Compte rendu du livre :
L'Empire du temps.
Les Horloges d'Einstein et les cartes de Poincaré,de Peter Galison,
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Bella Arman,
Gallimard (folio essais), rééd. 2006 [2003 pour l'éd. américaine].Albert Einstein avait les pieds sur terre. On croyait tout connaître de la vie et l'œuvre de l'auteur de la plus célèbre équation de la physique. On voyait en lui un génie solitaire, plongé dans un monde d'abstraction et détaché des contingences du quotidien. Quant à son poste à l'Office des brevets de Berne, de 1902 à 1909, il ne fallait y voir qu'un travail alimentaire. Or, dans ce livre novateur, Peter Galison montre comment l'invention de la théorie de la relativité en 1905, qui relativisait la notion de temps, s'inscrit dans les préoccupations très terre-à-terre du jeune fonctionnaire de troisième classe qui devait analyser les brevets qui lui étaient soumis. Pour comprendre ce renversement de perspective, il faut se replonger dans les innovations techniques de l'époque et aller regarder du côté du mathématicien — et ingénieur — Henri Poincaré, grand précurseur de la théorie de la relativité.
La fin du XIXe siècle avait vu les empires coloniaux s'étendre, le télégraphe relier toutes les parties du monde et le chemin de fer atteindre les contrées les plus lointaines. L'époque étant à l'efficacité, il était urgent de synchroniser les horloges et, ce qui en dépendait, parfaire les cartes géographiques. Bref, il fallait connaître avec précision l'heure locale en différents endroits de la planète. Or, Einstein et Poincaré se trouvaient au cœur de deux institutions qui devaient gérer ce problème. Einstein, à l'Office des brevets, était confronté quotidiennement à des projets de synchronisation d'horloges à breveter ; Poincaré, à la tête du Bureau des longitudes, devait coordonner l'établissement des longitudes. Tous deux étaient ainsi amenés à se demander, entre autres, comment s'assurer de la simultanéité de deux événements. C'est du croisement entre ces questions pratiques et des préoccupations plus théoriques — que tous deux avaient par ailleurs à l'esprit — qu'est née la théorie de la relativité. En somme, c'est l'histoire concrète d'une grande abstraction que nous raconte Galison.Thomas Lepeltier, Sciences Humaines, 178, janvier 2007.
Pour acheter ce livre : Amazon.fr