L’univers livresque
de Thomas Lepeltier
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Compte rendu du livre :
 
Le Mythe de la Singularité.
Faut-il craindre l’intelligence artificielle ?,
de Jean-Gabriel Ganascia,
Éditions du Seuil, 2017.

Que ce soit pour s’en réjouir ou pour en dénoncer les risques, les futurs développements de l’intelligence artificielle (IA) ne laissent pas indifférent. L’idée qui suscite beaucoup d’espoir ou alimente les plus grandes peurs est que, un jour, les machines deviendront plus intelligentes que les humains. Les thuriféraires de l’IA parlent de ce moment comme d’une « singularité », c’est-à-dire d’un changement de direction dans l’histoire de l’humanité. Selon un scénario optimiste, les humains téléchargeront leur esprit dans une ou plusieurs machines, échappant ainsi au cycle de la vie et de la mort. Selon un scénario plus pessimiste, les machines, une fois devenues conscientes et ayant acquis leur autonomie, réduiront l’humanité en esclavage, voire la détruiront.

Toutefois, pour Jean-Gabriel Ganascia, autant ceux qui attendent avec espoir que ceux qui craignent cette transhumanité se méprennent. Ce professeur d’IA à l’Université Pierre et Marie Curie (Paris 6) montre en effet que, quand on regarde de près les développements actuels de l’IA, rien n’indique que les machines seront un jour capables d’être autonomes. Aussi y a-t-il fort à parier qu’elles resteront sous notre contrôle. Pourquoi donc toute cette excitation à leur sujet ? Selon Ganascia, la raison est que les discours sur l’IA ont implicitement pris une tournure religieuse. En particulier, ils recyclent la vision eschatologique de la gnose antique décrivant le détachement de l’esprit du corps humain. Dans ce contexte, on comprend que, à propos de l’avenir de l’IA, la rationalité de la réflexion laisse à désirer.

Cette mise au point ne veut pas dire qu’il n’y a aucun motif d’espoir ou de crainte avec le développement de l’IA. Mais, note Ganascia, ces « fables extravagantes » ont le tort de détourner notre attention des vraies questions que soulève déjà l’IA, notamment celle de la gestion et du contrôle de nos données personnelles. Finalement, avec l’IA, on serait autant dans des débats politico-religieux que dans des questions techniques…

Thomas Lepeltier,
Sciences Humaines, 293, juin 2017.


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