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Compte rendu du livre :

Bachelard dans le monde,

de Jean Gayon et Jean-Jacques Wunenburger (eds),

Préface de Dominique Lecourt,
PUF (Science, histoire et société), 2000.

      L'œuvre de Gaston Bachelard (1884-1962) a marqué la philosophie et les études littéraires en France. Qu'en est-il à l'étranger ? La question n'a pas qu'un intérêt anecdotique : regarder comment les « autres » — Coréens, Japonais, Anglais, Canadiens, Arabes, etc. — ont connu, lu et interprété les livres d'un penseur français qui a renouvelé la philosophie des sciences et l'analyse de la rêverie pourrait être une très bonne façon de découvrir comment s'articulent ces domaines de réflexion ailleurs que chez nous. En retour, cette « sortie » hors de France pourrait aussi permettre de repenser tel ou tel aspect de son œuvre et d'en réévaluer l'importance. En bref, cette stratégie du détour porte en elle l'espoir d'un éclairage neuf à la fois sur la philosophie mondiale et sur la pensée de Bachelard.
      L'idée était donc bonne de réunir pour un colloque — dont ce livre reprend les contributions les plus marquantes — des spécialistes de Bachelard venant des quatre coins du monde et de leur demander d'analyser la réception de sa pensée dans leur pays. La demande était même précise : il fallait d'abord recenser de façon systématique toutes les traductions des ouvrages de Bachelard et, ensuite, analyser le contexte philosophique et culturel qui avait pu déterminer cet accueil. On apprend ainsi que peu de traductions de Bachelard ont été entreprises en Angleterre, alors que 13 livres ont été traduits en coréen, 21 en japonais et que les Italiens auront bientôt tout traduit... Et si, d'une manière générale, ce sont ses œuvres sur l'imaginaire qui ont connu la plus grande diffusion, certains pays, comme les pays de langue arabe ou le Portugal, ont au contraire été davantage intéressés par les livres d'épistémologie. Mais au-delà de ces quelques exemples de la réception « matérielle » de l'œuvre, on prend aussi conscience de l'importance qu'a pu avoir l'interprétation marxisante de Bachelard ou, inversement, de sa quasi absence dans les débats de la philosophie analytique. Si toutes ces informations sont intéressantes, il faut malheureusement reconnaître qu'elles n'ont pas la portée philosophique que l'ont pouvait en attendre ; comme si la « pâte » de la lecture exotique n'avait pas prise...

Thomas Lepeltier, Sciences Humaines, 110, novembre 2000.

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