L’univers livresque
de Thomas Lepeltier
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Compte rendu du livre :
 
Comment la non-violence protège l’État,
Essai sur l’inefficacité des mouvements sociaux,
Peter Gelderloos,
Éditions Libre, 2018.

Il fut une époque où le recours à la violence pour réformer la société était toléré, voire encouragé. Mais ces temps sont révolus. De nos jours, son usage pour faire avancer une cause n’est plus accepté socialement. On peut discourir, défiler et voter contre des lois ou des représentants de l’État. Mais on se doit d’être non-violent sous peine d’être disqualifié d’office. Il n’y a pas que les instances du pouvoir à penser ainsi. Même la quasi totalité des mouvements de défense de l’environnement, des droits sociaux, des libertés, des animaux ou en faveur d’un changement de système économique adhèrent à cette doxa moderne. Aussi condamnent-ils tous ceux qui, dans leurs rangs, voudraient en découdre violemment avec les autorités. Ils les accusent de nuire à l’image de leur mouvement dans l’opinion et d’entraver leur fonctionnement en provoquant la répression de l’État. Autant dire que la violence serait non seulement condamnable en soi mais, en plus, contre-productive.

Le problème, selon l’essayiste Peter Gelderloos, est que cette idéologie de la non-violence empêcherait tout changement substantiel de l’ordre établi. Il montre en effet que, sans violence, les luttes sociales du passé et les mouvements de libération n’auraient probablement pas abouti. Par exemple, un Martin Luther King n’aurait pas pesé lourd dans le mouvement des droits civiques aux États-Unis sans un Malcom X. On aurait trop tendance à vouloir l’oublier, ajoute l’auteur. Pour ceux qui veulent changer la société, s’interdire toute forme de violence reviendrait donc à se condamner d’avance à l’échec. Attention toutefois : le propos de Gelderloos ne consiste pas à dire qu’il faut sortir sa kalachnikov pour faire avancer sa cause. Il nous entraine plutôt dans une réflexion sur la notion de violence en politique et tente de nous convaincre que certaines formes, à définir, de confrontation musclée avec le pouvoir sont nécessaires. La thèse peut bien sûr donner lieu à des débats. Heureusement, ceux-ci n’ont pas besoin d’être violents pour être stimulants.

Thomas Lepeltier (octobre 2018).


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À signaler :

— Erica Chenoweth et Maria Stephan, Why Civil Resistance Works. The Strategic Logic of Nonviolent Conflict, Columbia University Press, 2011.