L’univers livresque
de Thomas Lepeltier
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Compte rendu du livre :
 
Voir son steak comme un animal mort.
Véganisme et psychologie morale,
de Martin Gibert,
Lux Éditeur, 2015.

De nos jours, de plus en plus d’ouvrages, d’articles et de documentaires dénoncent la consommation de viande, d’œufs et de lait pour la simple raison qu’elle entraîne une cruelle exploitation d’animaux inoffensifs. Cette dénonciation devrait trouver un écho favorable dans la société puisque la plupart de nos concitoyens affirment ne pas vouloir que des animaux souffrent juste pour leur plaisir gustatif. Pourtant, très peu deviennent véganes… Un autre grief important contre l’élevage est que ce dernier constitue une des plus grandes causes du changement climatique. Or la plupart des gens qui s’attristent de cette situation continuent à manger leur steak, comme si de rien n’était. Comment expliquer ces deux contradictions ? C’est ce que tente de faire dans ce livre le philosophe Martin Gibert.

S’appuyant sur des recherches de psychologie morale qui étudient la « dissonance cognitive », c’est-à-dire notre capacité à adopter deux positions contradictoires, il montre que la principale stratégie d’accommodement consiste tout simplement à minimiser de façon très opportuniste l’un des termes de la contradiction. Par exemple, Gibert relate des expériences ayant montré que, lorsque des personnes s’apprêtent à manger de la viande, elles attribuent moins de capacités cognitives aux animaux que lorsqu’elles s’apprêtent à manger des fruits. Une autre stratégie consiste à projeter une image négative sur ceux qui soulignent nos contradictions : ainsi les véganes se font traiter de sectaires ou d’extrémistes. Cette stratégie du mépris incite à ne pas prendre au sérieux leurs arguments.

Passant en revue tous ces expédients permettant d’oublier que notre steak provient d’un animal sensible, qui a été cruellement tué, l’auteur nous offre immanquablement un livre engagé en faveur du véganisme. Dans sa logique, il est en effet absurde de vouloir persister dans l’incohérence quand on a compris à la fois son incohérence et comment y remédier facilement. On peut bien sûr penser d’emblée que Gibert se trompe. Mais, sans avoir lu le livre, ce jugement ne serait-il pas une autre façon de s’accommoder de sa propre dissonance cognitive ?

Thomas Lepeltier, juin 2015.


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