L’univers livresque
de Thomas Lepeltier
glover-questions-de-vie-ou-de-mort
Compte rendu du livre :
 
Questions de vie ou de mort,
Jonathan Glover,
Labor et Fides, 2017.

Intuitivement, on aurait tendance à penser qu’il est plus grave de tuer une personne que de la laisser mourir. Pourtant, comme le défend Jonathan Glover dans ce classique de la philosophie éthique, publié en 1977 et enfin traduit en français, ce jugement ne repose sur aucun argument solide. Les conséquences d’une mise à mort et d’un refus de sauver une vie ne sont-elles pas les mêmes ? Certes, on peut considérer qu’un comportement ne se juge pas uniquement à ses conséquences. Glover estime ainsi qu’il faut aussi veiller à ce que l’autonomie des personnes soit respectée, c’est-à-dire qu’elles ne soient pas traitées comme de simples moyens en vue d’une fin. Pour cette raison, en dépit des conséquences positives, tuer un innocent pour en sauver cinq autres ne lui paraît pas moral. Mais, comme on ne respecte pas plus l’autonomie d’une personne en ne la sauvant pas qu’en la tuant, Glover ne voit pas pourquoi la seconde action serait plus problématique que la première.

Partant de ces prémisses, Glover explore nombre de questions éthiques comme l’avortement, l’infanticide, la répartition de l’aide, l’euthanasie, la peine de mort ou encore la guerre. Déroulant une argumentation précise, il en arrive aux conclusions que l’avortement ne pose pas plus de problème que la contraception, que l’on peut justifier l’infanticide dans les cas où la vie des bébés et des adultes qu’ils deviendront ne mériterait pas d’être vécue, qu’il faut être sélectif dans les secours que l’on porte à autrui afin de sauver le maximum de vies, que l’euthanasie devrait être légalisée, que la peine de mort n’est pas condamnable catégoriquement mais qu’il faut quand même la rejeter en raison de ses effets négatifs et enfin que, dans nombre de cas, tuer en temps de guerre s’apparente à un homicide. Bien entendu, certaines de ces positions pourraient déranger. Mais toute la force de Glover est d’y arriver par une argumentation rigoureuse et de montrer que, en matière d’éthique, notre intuition n’est pas toujours bonne conseillère. Maintenant, la discussion est bien sûr ouverte…

Thomas Lepeltier,
Sciences Humaines, 310, janvier 2019.


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