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Compte rendu du livre :

L'Avenir d'un passé incertain.
Quelle histoire du Moyen Âge au XXIe siècle,

de Alain Guerreau,

Éditions du Seuil, 2001.

      Si Jacques Le Goff et Jean-Claude Schmitt reconnaissaient, il y a peu, à la fois certaines faiblesses des études médiévales des dernières décennies et le fait « que rien, dans l'histoire d'une discipline scientifique, n'est jamais définitif », ils dressaient néanmoins un bilan largement positif de ces études (Cahiers de civilisation médiévale, 39, 1996). Notamment, ces deux éminents historiens français du Moyen Âge faisaient part de l'impression « de qualité qui se dégage d'une masse considérable de publications individuelles ou collectives, d'articles de revues […] et d'actes de colloques ».
      Or, cette impression n'est pas partagée par l'historien Alain Guerreau, comme en témoigne ce livre qui est un véritable réquisitoire contre les études médiévales. Le ton est très polémique et, des hommes aux institutions, tout le monde est visé. Donnons quelques exemples. Guerreau reproche aux historiens d'utiliser trop souvent des concepts anachroniques pour la société médiévale ; entre autres ceux de « religion » et de « propriété ». Il s'en prend aussi à l'hyper-spécialisation qui règne chez les chercheurs et rappelle à ce propos qu'un fait particulier n'acquière un sens que dans un contexte global. Il défend également l'intérêt qu'il y a à développer les études statistiques et fustige à ce sujet l'incompétence de certains de ses collègues. Il attaque aussi les revues universitaires et les colloques où tout esprit critique aurait disparu, où jamais on ne s'en prendrait trop ouvertement à ce que dit un collègue, où, en bref, régnerait un jeu de civilité qui favoriserait plus l'avancement des carrières que celui de la connaissance. Et ainsi de suite...
      Que l'on soit d'accord ou non avec l'ensemble des jugements de l'auteur, on ne peut qu'approuver cet esprit frondeur qui rappelle que toute recherche dynamique se doit d'être critique et que notre vision du Moyen Âge est susceptible d'être radicalement transformée par des recherches plus rigoureuses. On regrettera seulement, qu'emporté par sa verve, l'auteur se laisse aller à des jugements hâtifs et péremptoires, et confonde anathème et discussion critique. Mais ce livre aura peut-être le mérite de faire quelques remous dans la communauté des historiens ; ce qui permet parfois de sortir d'un certain engourdissement de la pensée.

Thomas Lepeltier, Sciences Humaines, 121, novembre 2001.

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