L’univers livresque
de Thomas Lepeltier
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Compte rendu du livre :
 
The Genetic Lottery.
Why DNA Matters for Social Equality
,
de Kathryn Paige Harden,
Princeton University Press, 2021.

Au nom du principe d’égalité des chances, on considère en général que l’origine sociale ne devrait pas déterminer la réussite scolaire et professionnelle. Le succès devrait être uniquement une question de mérite individuel. Mais alors pourquoi accepter que les personnes qui ont, pour des raisons génétiques, plus de facilités à l’école accaparent les métiers les mieux payés et les plus reconnus socialement. Il n’y a pas davantage de mérite à être né avec des gènes qui nous rendent plus aptes à répondre aux exigences de l’école que d’être né dans un milieu social aisé. Dans les deux cas, c’est uniquement une question de chance. Si on considère que l’origine sociale ne doit pas être un obstacle ou un avantage à la réussite professionnelle, pourquoi donc laisser la génétique déterminer le destin des uns et des autres ? Après tout, la myopie est en partie génétique et tout le monde trouve normal que les myopes puissent bénéficier de lunettes. C’est pourquoi, une école qui prône l’égalité des chances devrait, selon la psychologue Kathryn Paige Harden, autant palier l’inégalité génétique que l’inégalité sociale.

Vouloir déterminer les aptitudes génétiques des citoyens peut faire peur étant donné que, lorsque cette pratique a eu lieu dans le passé, c’était pour éliminer les moins aptes. Mais le projet de l’auteure est tout autre. Elle œuvre au contraire pour une meilleure intégration des individus les moins favorisés génétiquement. Elle estime même que refuser de prendre en compte l’inégalité génétique revient à bafouer le principe d’égalité des chances et à faire comme si l’échec de certains n’était que de leur faute. Bien sûr, déterminer la part de la génétique dans la réussite scolaire n’est pas aisée. Il n’y a pas un gène des mathématiques, par exemple. Les capacités cognitives sont polygénétiques. Elles dépendent aussi beaucoup de l’environnement. Mais, selon l’auteur, il est désormais possible de globalement prédire la réussite scolaire à partir d’une analyse du génome. Le procédé est encore sujet à débat et la façon dont il faudrait compenser les inégalités génétiques est un casse-tête. Mais l’auteure a le mérite d’aborder ce tabou des inégalités génétiques et de soulever la question de leur prise en compte.

Thomas Lepeltier (janvier 2022).


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