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Compte rendu du livre :

Science and Religion
(The Cambridge Companion to)

de Peter Harrison (ed),

Cambridge University Press, 2010.

      En France, il est de bon ton de dénigrer les débats associant science et religion. Soit la première n'aurait rien à voir avec la seconde ; soit elle en montrerait la vacuité, si ce n'est la fausseté. Dans le monde anglophone, le dénigrement est tout aussi présent. Mais on y trouve plus souvent qu'en France de sérieuses approches historiques et philosophiques de cette problématique. Le récent Cambridge Companion to Science and Religion, dirigé par Peter Harrison, offre un très bon exemple de ce type de réflexions.
      Le premier constat auquel sont confrontés les contributeurs de cet ouvrage est la reviviscence actuelle des débats sur ce thème. Dans ce retour, le développement des sciences a sans conteste joué un rôle important. En cosmologie, l'hégémonie croissante du modèle du big bang a effectivement conduit à des spéculations sur la façon dont l'origine de l'univers pourrait être liée à l'idée de création. Plus encore, le fait que notre univers semble extraordinairement bien ajusté à l'apparition de la vie a incité certains à y voir une forme de dessein. L'étrange monde quantique, avec ses contre-intuitives conceptions de la matière et de la notion de causalité, a également réactivé des réflexions sur la notion de libre arbitre et d'action divine. En neuroscience, le progrès fulgurant des techniques d'analyse du cerveau a permis d'interroger le corrélat physique de l'expérience religieuse. En biologie, l'analyse du génome a ouvert des réflexions sur la nature de l'être humain. Enfin, en parallèle à ces développements, une contestation croissante de la théorie darwinienne de l'évolution, notamment par des mouvements d'inspiration religieuse, a renforcé l'idée assez répandue que la science et la religion sont par nature en conflit, et soulevé des débats philosophiques sur ce qui les sépare.
      Dans ce contexte, les différents contributeurs de cet ouvrage ont opéré une réflexion sur trois fronts : l'histoire, les enjeux scientifiques actuels et les questionnements philosophiques. Le livre ne se veut pas une défense de telle ou telle orientation, même si la sensibilité des contributeurs peut parfois transparaître dans leur chapitre. Son objectif — réussi — est d'offrir une claire et substantive mise au point de l'état des recherches actuelles sur le thème « science et religion ». Par exemple, il est rappelé que les historiens ne croient plus à la thèse,   inventée au XIXe siècle, d'un conflit séculier entre science et religion. Sur un plan scientifique, il est montré que le caractère aléatoire des variations sur lesquelles opère la sélection naturelle ne disqualifie pas ipso facto la question d'un dessein dans la nature. Sur un plan épistémologique, il apparaît que les explications biologiques, psychologiques ou autres des croyances n'en remet pas forcément en cause le contenu. Enfin, pour donner un dernier exemple, l'ouvrage met en garde contre la tendance à voir dans les anti-darwiniens actuels une illustration de l'opposition entre science et religion, puisque c'est au nom même de la science que ces contestataires prétendent opérer leurs critiques du darwinisme. Ce qui soulève l'épineux problème de la caractérisation et de la science et de la religion. Bref, autant de réflexions à ne pas ignorer quand on veut aborder ces débats souvent houleux autour de la science et de la religion.

Thomas Lepeltier, Sciences Humaines, 223, février 2011.

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