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Compte rendu du livre :

Philosophie des sciences, philosophie des techniques,

de Gilbert Hottois,

Éditions Odile Jacob (Collège de France), 2004.

      Les scientifiques ne font pas qu'interpréter le monde ; ils le transforment également. C'est une spécificité de l'activité scientifique, plus évidente d'année en année, que Gilbert Hottois, professeur à l'Université libre de Bruxelles, rappelait aux philosophes des sciences dans ces leçons données au Collège de France en 2003. En particulier, Hottois montrait comment ces philosophes ont tendance à délaisser la dimension technique de la science et à se focaliser presque exclusivement sur sa visée théorique au point d'interroger la potentielle correspondance entre théories scientifiques et réalité de la même façon que les philosophes du langage s'interrogent à propos des liens entre les mots et les choses.
      Certes, Hottois ne jette pas la pierre à tous les philosophes des sciences. Par exemple, il reconnaît un certain mérite à Ian Hacking qui, tout en refusant de s'engager sur la vérité des théories scientifiques, en est venu à reconnaître l'existence de certaines entités théoriques (tel l'électron) pourvu que les scientifiques soient à même de les manipuler. Mais Hottois regrette que ce pas vers la philosophie des techniques n'ait pas incité Hacking à aborder les conséquences pratiques de la science, comme les problèmes éthiques et politiques qu'elle soulève. Ce n'est pas pour autant qu'Hottois recommande de se tourner inconditionnellement vers les philosophes des techniques. Comme il le montre là aussi dans une de ces leçons, ceux-ci seraient en effet restés, à quelques exceptions près, sourds aux problématiques développées par les philosophes des sciences et ne se seraient souvent préoccupés que des problèmes de société suscités par les avancées scientifiques.
      Tandis que science et technique sont aujourd'hui indissociables, au point qu'il faudrait parler de « technoscience », Hottois déplore ainsi que philosophie des sciences et philosophie des techniques s'ignorent mutuellement. D'où l'urgence, selon lui, de jeter un pont entre les deux, comme ces leçons invitent à le faire en esquissant en conclusion quelques réflexions sur les conséquences anthropologiques de notre civilisation technoscientifique.

Thomas Lepeltier, Sciences Humaines, 156, janvier 2005.

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