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Compte rendu du livre :

Le Jardin au noyer.
Pour un nouveau rationalisme,

de Giorgio Israel,

Traduit de l'italien par Marina Machì,
Seuil (Science ouverte), 2000.

      Peut-on faire confiance à la science pour comprendre la nature des sentiments et pour mieux organiser la société dans laquelle nous vivons ? Ce fut la grande tentation des philosophes des Lumières de croire qu'il suffisait d'établir en ces domaines quelques grandes lois universelles pour obtenir des succès comparables à ceux de Newton en physique. Les romantiques protestèrent de l'absurdité d'un tel projet puisque, selon eux, l'individu n'était pas un être abstrait dont le comportement était régi par quelques principes physico-mathématiques, mais un être enraciné dans une tradition et compréhensible uniquement par empathie.
      Cette opposition, entre le cœur et la raison, où viennent converger problèmes épistémologiques et politiques, est toujours d'actualité, comme nous le rappelle Giorgio Israel qui en esquisse dans ce livre une petite histoire. Si le rationalisme — pour faire vite — est couramment accusé de saper les bases de la morale en soumettant l'homme aux déterminismes de la matière et d'engendrer la destruction de la planète à travers le développement industriel, il continue aussi à susciter l'espoir d'une amélioration de la condition humaine et à être un soutien des valeurs démocratiques. En revanche, le courant romantique continue à s'ériger en défenseur de la nature, des traditions ancestrales et de la dimension spirituelle de l'homme, mais aurait aussi tendance à encourager les dérives irrationnelles et à montrer un penchant pour les régimes autoritaires.
      Reconnaissant les vertus et les défauts des deux orientations, l'auteur, qui est professeur d'histoire des mathématiques à l'université « La Sapienza » de Rome, se demande s'il n'existerait pas une troisième voie. Mais sa proposition reste très insuffisante. Il défend en effet l'idée d'un rationalisme critique, ouvert et constructif : critique au sens où il prendrait en compte les objections qui lui sont adressées ; ouvert au sens où il ferait une place à d'autres modes de connaissance ; constructif au sens où il tirerait profit des confrontations entre disciplines. D'accord. Mais l'auteur, sans sortir des idées convenues, se contente de ces généralités un peu vagues. La question du renouvellement du rationalisme reste donc entière.

Thomas Lepeltier, Sciences Humaines, 114, mars 2001.

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