L’univers livresque
de Thomas Lepeltier
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Compte rendu du livre :
 
Qui peut sauver la morale ?
Essai de métaéthique,
de François Jaquet & Hichem Naar,
Les Éditions d’Ithaque, 2019.

Faut-il légaliser l’euthanasie ? Comme pour toute question éthique, on peut avancer des arguments pour ou contre. Mais peut-on avoir raison ou tort dans ce genre de débat ? À la différence de la première question qui est d’ordre éthique, la seconde relève de la métaéthique. Ces deux domaines de réflexion ne sont pas indépendants. Par exemple, si la métaéthique en arrivait à la conclusion que l’éthique était une affaire de subjectivité, l’euthanasie serait morale pour certains et immorale pour d’autres, sans discussion possible. Aussi, pour éviter des débats éventuellement stériles, est-il important de s’intéresser à la métaéthique, comme le font les deux auteurs de ce livre. Leur angle d’attaque consiste à se confronter à une thèse courante selon laquelle les jugements moraux sont toujours faux dans la mesure où ils présupposeraient à tort l’existence de vérités morales. À l’encontre de ce nihilisme moral, ils opposent quatre tentatives pour sauver la morale.

Selon l’expressivisme, le jugement moral est juste l’expression d’un sentiment. Juger que l’euthanasie est immorale revient ainsi à exprimer sa désapprobation à son sujet. Ce jugement ne saurait donc être faux. Selon le subjectivisme, le jugement moral est une croyance qui porte sur des sentiments. Juger que l’euthanasie est moralement bonne revient alors à croire, à tort ou à raison, qu’elle est approuvée, par exemple, par la communauté dans laquelle on vit. Selon le naturalisme, le jugement moral est une croyance à propos d’un fait moral à la fois objectif et susceptible d’être étudié empiriquement. On peut ainsi juger que l’euthanasie est moralement bonne parce que l’on croit qu’elle minimise la douleur. Enfin, selon le non-naturalisme, le jugement moral est une croyance se référant à un fait moral objectif et non naturel. Il y aurait ainsi une réponse correcte à la question de la moralité de l’euthanasie sans que celle-ci appelle une vérification empirique. Malheureusement, aucune de ces tentatives n’est encore arrivée à sauver la morale de façon certaine. Mais les deux auteurs laissent quand même entrevoir que la dernière en est proche. Ouf !

Thomas Lepeltier,
Sciences Humaines, 319, novembre 2019.


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