L’univers livresque
de Thomas Lepeltier
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Compte rendu du livre :
 
Décroissances,
de François Jarrige et Hélène Tordjman (dir.),
Le passager clandestin, 2023.

Notre société doit-elle entrer en décroissance, c’est-à-dire diminuer sa production, ralentir sa consommation et devenir plus sobre ? Pour les auteurs de cet ouvrage collectif, la réponse ne fait aucun doute. Mais, tout en étant convaincus que la décroissance est une nécessité, ses deux maîtres d’œuvre reconnaissent qu’elle n’est pas une politique « clef en main », facile à appliquer. Aussi l’objectif de l’ouvrage est-il « d’explorer les principaux enjeux que pose aujourd’hui la question de la décroissance […] tout en dessinant des pistes et perspectives pour l’avenir ». Ouvrant le bal, Serge Latouche remarque que, malgré son succès médiatique, elle a du mal à s’implanter dans les esprits. La raison, selon lui, est qu’elle demande au préalable « une désintoxication du système dominant, autrement dit une décolonisation de l’imaginaire ». Mais on n’y est pas encore. Agnès Sinaï poursuit en soulignant que la décroissance pourrait se réaliser à travers « un phénomène de contre-exode urbain ». Timothée Parrique, quant à lui, soutient que la décroissance passe par la « démarchandisation partielle de certains secteurs (le logement, l’agriculture, l’énergie, les télécommunications) ».

Devant les difficultés qui pourraient s’en suivre, Luc Semal reconnaît que si « la décroissance était purement souhaitable, il ne serait pas si difficile de s’en faire l’avocat ». Tâche d’autant plus délicate qu’il faut, selon lui, opérer une « décroissance en catastrophe », dans la mesure où le temps est compté. Giorgos Kallis n’en défend pas moins que « la décroissance est d’abord […] une culture des limites à la recherche de la joie et du bien-être, et pas seulement une stratégie défensive pour éviter la catastrophe ». Mais comment la mettre en place ? Selon Philippe Bihouix, « nous restons intellectuellement et méthodologiquement démunis pour concevoir et étudier ce que pourrait être vraiment une trajectoire de décroissance ». Geneviève Azam, Guillaume Faburel, Fabrice Flipo, Alain Gras, Corinne Morel Darleux et Pierre Thiesset prolongent le propos en ouvrant des pistes de réflexion. Malgré le mérite de toutes ces contributions, il en ressort quand même que la trajectoire vers la décroissance reste à trouver.

Thomas Lepeltier,
Sciences Humaines, 365, février 2024.


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