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Compte rendu du livre :

Comment peut-on être dieu ?
La secte d'Épicure,

de Renée Koch,

Belin (L'Antiquité au présent), 2005.

      L'épicurisme est souvent réduit à deux idées : une morale hédoniste et une cosmologie matérialiste. La seconde stipule que tous les objets et êtres vivants sont constitués par des combinaisons d'atomes de matière ; quant à la première, elle fait de la recherche du plaisir la fin de toute activité. De loin, l'épicurisme apparaît ainsi comme une forme d'athéisme. Cette vision est toutefois trompeuse. D'abord, la recherche des plaisirs dans l'épicurisme ne ressemble en rien à la concupiscence. L'épicurien est un hédoniste sobre et vertueux. Le bonheur consiste même dans l'ataraxie, c'est-à-dire l'absence de désir ou de crainte. Ensuite, il ne faut pas oublier que l'épicurien croit aux dieux. Certes, ces derniers étant indifférents aux affaires humaines, il ne s'adresse pas à eux pour les apaiser ou pour en obtenir quelques grâces, mais il cherche à être comme eux, en état de parfaite ataraxie. En offrant une juste représentation de l'univers, la physique épicurienne est justement ce qui permet d'atteindre cet état. Enfin, comme essaye de le montrer Renée Koch dans ce livre, l'épicurisme anticipe tous les traits d'une religion au sens moderne du terme.
      Dans les religions de l'Antiquité, le rite est plus important que la croyance. L'épicurisme, quant à lui, fonda ses rites sur des croyances. Il référait ses dogmes, son organisation, ses pratiques cultuelles à un fondateur charismatique (Épicure) qui en incarnait la réalisation parfaite. Ses textes étaient lus et vénérés. Ils instauraient, par-delà les pratiques variables du culte, la fixité d'une doctrine et rendait possible un sectarisme très nouveau dans l'Antiquité. L'épicurisme est ainsi l'un des premiers mouvements à faire de la relation aux dieux une affaire de croyance. En l'occurrence, il érigea en dogme l'anthropomorphisme des dieux grecs et proposa à ses adeptes d'atteindre l'égalité avec ces derniers. Aussi Renée Koch peut-elle affirmer qu'« il est bien possible que notre idée actuelle de la religion comme ensemble de croyances et de représentations reçues pour vérités par les uns, pour crédulité par les autres, ait connu dans l'épicurisme sa première réalisation ». Décidément, on est loin de l'athéisme.

Thomas Lepeltier, Sciences Humaines, 164, octobre 2005.

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