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Compte rendu du livre :

Naissance du cimetière.
Lieux sacrés et terre des morts dans l'Occident médiéval,

de Michel Lauwers,

Aubier (Collection historique), 2005.

      Il fut un temps où on allait danser sur les tombes ! Au Moyen Âge, le cimetière était effectivement un lieu où l'on se réunissait pour des marchés et des foires, pour des spectacles, pour des jeux et des divertissements, pour des assemblées de justice ou pour conclure des accords. Bref, c'était un lieu de vie, de sociabilité et de rencontre pour les vivants. On y trouve même des maisons et des ateliers avec leurs étals (ateliers de bouchers, de potiers, etc.). Situé au cœur des villes ou des villages, le cimetière du Moyen Âge n'était pas ce havre de paix, lieu des seules cérémonies funéraires, qui nous est si familier. Il n'avait rien à voir non plus avec les lieux funéraires de l'Antiquité qui étaient toujours relégués à l'écart des lieux habités, souvent le long des routes. Au Moyen Âge, le cimetière est un lieu où cohabitent les vivants et les morts.
      Selon Michel Lauwers, le massif mouvement des défunts vers les lieux d'activité se produit à partir du VIIe siècle. Plus précisément, les sépultures se concentrent autour des lieux de culte. Puis, au terme d'un long processus dont ce livre retrace l'histoire, la terre funéraire devint, tout comme l'église à laquelle elle est accolée, un espace consacré. Ce qui est en jeu dans ce mouvement est l'identité de l'institution ecclésiale : en même temps qu'elle renforce son inscription spatiale et son enracinement dans la terre, elle envahit tout le champ de la vie et de la mort, réunissant sous sa coupe autant les vivants que les morts. Mais dès la fin du XIIe siècle, la dynamique change et une pastorale de la mort se développe. L'institution ecclésiale met fin à cette cohabitation des morts et des vivants. Elle interdit les jeux, la danse et le commerce dans les cimetières. Elle couvre leurs murs d'images représentant des défunts entraînant avec eux les vivants. Comme l'écrit l'auteur, « le cimetière fut dès lors moins le lieu où les ancêtres confortaient les actes des vivants que celui, effrayant, où les vivants devaient contempler leur mort future ».

Thomas Lepeltier, Sciences Humaines, 164, octobre 2005.

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