Compte rendu du livre :
La Philosophie des sciences,
de Dominique Lecourt,
PUF (Que sais-je ?), 2001.En France, la philosophie des sciences « anglo-saxonne », et d'une manière générale toute la philosophie analytique, a souvent eu mauvaise presse. Depuis peu, les choses semblent toutefois changer. Dans ce rapide tableau historique des doctrines de la philosophie des sciences, Dominique Lecourt témoigne de ce nouvel esprit d'ouverture puisque, vers la fin du livre, cherchant à définir la philosophie des sciences de demain, il en appel à une réconciliation des deux traditions. Le dédain qu'il a autrefois partagé avec ses compatriotes n'en apparaît pas moins.
À l'issue d'une présentation des principales idées des philosophes dits « analytiques », Lecourt critique leur rejet de toute approche historique des sciences. Pour la raison inverse, il fait l'éloge de philosophes français tels que Gaston Bachelard et Georges Canguilhem. La critique est certes justifiée pour une bonne part des philosophes analytiques. Cependant, comme le rappelle Lecourt lui-même, la dimension historique n'a pas toujours été absente des débats entre ces philosophes, notamment grâce aux travaux de Thomas Kuhn et Paul Feyerabend. Lecourt ne profite toutefois pas assez de ce rappel « historique » pour souligner la complexité de cette tradition philosophique.
Lecourt se fait également l'écho d'un autre reproche adressé par les philosophes français à la philosophie analytique : celui de vouloir tout ramener à une analyse logique. Certes, il rappelle qu'en ce domaine certaines critiques parmi les plus dévastatrices sont venues de la philosophie analytique elle-même, et notamment dès 1951 de Willard Quine. Mais il se dépêche de mentionner que Quine « continue à voir dans la logique l'instrument essentiel de l'analyse philosophique », sans se demander comment et pourquoi une critique radicale des dogmes logicistes de la première philosophie analytique peut s'accompagner d'une exigence permanente de logique.
S'il ne fait de nos jours guère de doute que la philosophie des sciences s'enrichit d'enquêtes historiques, on regrettera donc que Lecourt, qui répète inlassablement cette idée, ne problématise pas suffisamment l'histoire de la philosophie analytique. Plutôt que d'être un vœux pieux, la rencontre des deux traditions pourrait alors véritablement s'effectuer, au plus grand profit de la philosophie des sciences.Thomas Lepeltier, Sciences Humaines, 125, mars 2002.
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