De nos jours, impossible d’échapper aux annonces catastrophistes sur la diversité du vivant. L’heure serait grave. Mais, pour l’écologue Christian Lévêque, ces discours très médiatisés donnent une vision faussée de la situation globale. Il reconnaît que certaines espèces se trouvent dans des situations critiques. Pour autant, parler de catastrophe globale est, selon lui, pour le moins exagéré. Il faut déjà comprendre que la notion de biodiversité est peu claire parce qu’elle recouvre plusieurs choses distinctes : diversité des espèces, diversité génétique, diversité des écosystèmes. En outre, la moyenne de ces diversités au niveau mondial cache de très grandes disparités régionales. Par exemple, si de nombreuses espèces ont disparu sur des îles relativement isolées ces derniers siècles, très peu se sont éteintes sur les continents. Puis, même sur ces îles, la biodiversité n’a pas toujours diminué car d’autres espèces s’y sont installées. Les discours alarmistes ont aussi tendance à noircir le tableau en se focalisant sur les extinctions sans parler des spéciations. Or ces dernières sont beaucoup plus fréquentes qu’on ne l’imagine en général, tant une forme de fixisme imprègne encore beaucoup d’esprits. À ce sujet, il ne faut jamais oublier que la biodiversité n’a cessé de croître depuis des millions d’années et que, après chaque extinction massive, elle est repartie de plus belle. De même, selon Lévêque, les discours catastrophistes exagèrent le rôle des espèces dans la viabilité des écosystèmes. Par exemple, à ce jour, le fait que les humains aient fait disparaître des espèces de certains territoires n’a jamais entraîné l’effondrement de la biodiversité de ces derniers. La résilience des écosystèmes ne doit ainsi pas être sous-estimée. Bien sûr, personne ne peut nier que l’expansion de la civilisation humaine a entraîné une diminution, parfois drastique, de certaines populations animales. Mais qui voudrait que les lions maraudent librement dans le sud de l’Europe comme jadis ? Lévêque nous invite donc à dépasser les postures militantes pour poser un regard plus informé sur la diversité du monde vivant et pour cesser de considérer que toute action humaine est néfaste pour la nature. Après tout, les humains font aussi partie de la nature…
Thomas Lepeltier,
Sciences Humaines,
352, novembre 2022.
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