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Compte rendu du livre :

Sur la nature du feu aux siècles classiques.
Réflexions des physiciens & des chimistes,

de Robert Locqueneux,

Préface de Bernard Maitte,
L’Harmattan, 2014.
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Le « phlogistique » est un cas classique de l’histoire des sciences. Ce terme fait référence à une substance, imaginée par les chimistes du xviie siècle pour expliquer la combustion, et dont l’existence a été remise en cause par Antoine Lavoisier à la fin du xviiie siècle. L’idée était que tous les matériaux inflammables contiendraient du phlogistique qui se dégagerait en brûlant ; plus ils en contiendraient, plus ils brûleraient. Le phlogistique était ainsi la matière du feu fixée dans un corps et s’en dégageant lors de la combustion. Mais, en montrant que la combustion nécessite la présence d’oxygène, le savant français aurait réfuté cette théorie et fondé la chimie moderne. Dans ses grandes lignes, cette vision n’est pas fausse. Cela dit, dans le détail, la situation est plus complexe, comme on peut le découvrir dans ce livre de l’historien des sciences Robert Locqueneux qui effectue un tour d’horizon des théories sur le feu, du xviie siècle jusqu’au début du xixe siècle.
       La notion de masse se trouve au cœur de cette histoire de changement de théorie. Si du phlogistique se dégage lors d’une combustion, le corps brûlé devrait être plus léger. Or ce n’est pas ce que Lavoisier constate. Après analyse, il en arrive à la conclusion qu’un corps brûlé augmente sa masse « exactement dans la proportion de la quantité d’air détruit ou décomposé ». Ce qui conduit Lavoisier à rejeter la théorie du phlogistique. Il n’en maintient pas moins que, lors d’une combustion, il y a dégagement d’une matière du feu, qu’il désigne par le terme de calorique. Mais cette dernière est, cette fois-ci, un « fluide très subtil, très élastique, qui environne de toutes parts la planète que nous habitons, [et] qui pénètre avec plus ou moins de facilité les corps qui la composent ».
       Lavoisier réfute donc bien la théorie du phlogistique, mais il continue à donner du crédit à l’idée qu’il existe une substance à la base des phénomènes de combustion. Il faudra encore attendre pour qu’une interprétation cinématique de la chaleur finisse par s’imposer. Si la « révolution » de Lavoisier marque ainsi une rupture avec les conceptions qui la précèdent, elle se caractérise aussi par de fortes continuités. En tout cas, en présentant de très nombreux extraits de sources historiques, ce livre permet de mieux comprendre comment on est passé, en ce qui concerne le feu, des conceptions du xviie siècle, héritées de l’Antiquité, à la théorie du phlogistique, puis aux idées de Lavoisier. Instructif…
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Thomas Lepeltier, Pour la science, 447, janvier 2015.

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