L’univers livresque
de Thomas Lepeltier
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Compte rendu du livre :
 
The Politics of Animal Experimentation,
de Dan Lyons,
Plagrave Macmillan, 2014.

Qui gouverne ? Est-ce le gouvernement, les ministres, le parlement, les experts, les groupes de pression ou l’opinion publique ? En fonction du pays ou du domaine considéré (économie, justice, éducation, etc.), la réponse est bien sûr différente. En tout cas, Dan Lyons, militant de la cause animale et chercheur en science politique, a étudié ce qu’il en était du côté des politiques de recherche en matière d’expérimentation animale, en Grande Bretagne.

Fin XIXe siècle, la première loi sur l’expérimentation (le « Cruelty to Animals Act 1876 ») est une réponse à la mobilisation croissante de la population à l’encontre de la vivisection telle qu’elle est alors pratiquée. À défaut d’être gagné par les arguments des anti-vivectionnistes, le gouvernement de l’époque se montre sensible aux demandes de ceux qui sont en faveur d’une plus grande protection des animaux. Le projet de loi vise donc à mettre l’expérimentation animale sous le contrôle du Ministère de l’intérieur (Home Office), pour éviter les abus et excès. Il y est stipulé notamment que les chercheurs devront essayer de minimiser la souffrance animale et justifier l’intérêt médical de leurs recherches. Mais, comme le montre l’auteur, les partisans les plus résolus de la vivisection y voient une entrave à leur liberté professionnelle. Aussi s’organisent-ils pour faire modifier, à coup d’amendements, la teneur du projet de loi et, ensuite, pour que le contrôle de l’expérimentation animale passe entre leurs mains, sous prétexte que ce sont eux les experts. L’auteur révèle aussi que cette loi, en encadrant légalement l’expérimentation animale, en vient même à moins protéger les animaux que les chercheurs qui, autrement, pourraient tomber sous le coup d’autres lois anti-cruauté !

Avec des gouvernements qui se mettent à entériner les décisions des partisans de l’expérimentation animale, il n’est pas surprenant de voir cette dernière se développer fortement les décennies suivantes. Il faut attendre la seconde moitié du XXe siècle pour qu’un nouveau gouvernement britannique soit de nouveau réceptif aux demandes récurrentes des mouvements de protection des animaux et mette en place un nouveau cadre juridique : le « Animals (Scientific Procedures) Act 1986 ». L’objectif affiché est là encore de mieux contrôler les chercheurs. Tout projet d’expérimentation doit désormais être accompagné d’une analyse des coûts et bénéfices pour être autorisé. Cela veut dire qu’une expérimentation qui risque de trop faire souffrir les animaux au vu des bénéfices escomptés pour la recherche peut, théoriquement, ne pas être autorisée. L’autre grande innovation est la mise en place d’une instance de contrôle, indépendante du Ministère de l’Intérieur, ayant un droit de regard sur le travail des chercheurs. Sur un plan pratique, l’auteur montre toutefois que ces innovations ne sont pas suffisantes pour que les défenseurs des animaux, pourtant soutenus par une partie importante de la population, puissent peser sur les orientations et les méthodes de la recherche. L’expérimentation reste entièrement sous le contrôle de ses partisans les plus résolus.

En ayant eu accès à des documents confidentiels concernant toute une série d’expériences de xénogreffe, l’auteur décortique même la façon dont les chercheurs arrivent à se jouer des contraintes légales pour pratiquer leurs expériences plus ou moins comme ils l’entendent, sans avoir à rendre de compte à l’opinion publique. Ce qui montre que, au-delà du problème de l’expérimentation animale, ce livre soulève bien la question du pouvoir en démocratie.


Thomas Lepeltier (septembre 2014).


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Autre livre à signaler :

— Raymond Corbey et Annette Lanjouw, The Politics of Species. Reshaping our Relationships with Other Animals, Cambridge University Press, 2014.