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Compte rendu du livre :

Laïcité & liberté de conscience,

de Jocelyn Maclure et Charles Taylor,

La Découverte, 2010.

      Pour beaucoup, la laïcité est un principe simple qui se laisserait aisément définir par des formules comme la « séparation de l'Église et de l'État » ou la « neutralité de l'État en matière religieuse ». Appliquées rigoureusement, ces formules sont censées dicter sans ambiguïté les règles de vie en société. C'est en leur nom qu'un fonctionnaire de l'État, en France, n'a pas le droit de porter des signes religieux visibles dans le cadre de son activité professionnelle. Pourtant, dans ce livre, Jocelyn Maclure et Charles Taylor montrent que cette approche de la laïcité est arbitraire, discriminatoire, et non exempte de contradiction.
      Leur réflexion sur la laïcité part du constat que les sociétés démocratiques modernes se caractérisent par une diversité de conceptions morales et religieuses. Dans ce contexte, quel pourrait être l'objectif de la laïcité ? Pour les deux auteurs, elle devrait avoir pour but un respect égal de tous les citoyens et de leur liberté de conscience. Quant à la séparation de l'Église et de l'État, elle ne serait qu'un moyen d'atteindre cet objectif. Cette distinction entre les finalités et les moyens de la laïcité permettrait de ne pas verser dans un « fétichisme des moyens » qui peut aller à l'encontre des buts recherchés. Par exemple, l'interdiction du port de signes religieux par les agents de l'État, au nom de la neutralité des institutions publiques, peut porter atteinte à leur liberté de conscience et à l'égalité de traitement des personnes.
      Cette analyse très roborative de la notion de laïcité conduit les auteurs à opposer deux régimes de laïcité, l'un républicain, dominant en France, l'autre libéral et pluraliste, plus anglo-saxon. Alors que le premier, sous couvert de neutralité, privilégierait la religion dominante et restreindrait indûment la liberté de conscience, le second, grâce à une politique « d'accommodements raisonnables », serait davantage respectueux de la diversité des conceptions morales et religieuses de nos sociétés, sans privilégier l'une par rapport à l'autre.
      On aura compris que ce livre peut faire débat dans le contexte français. Mais c'est un débat que l'on aurait tort d'éluder.

Thomas Lepeltier, Sciences Humaines, 224, mars 2011.

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