L’univers livresque
de Thomas Lepeltier
masri-animaux-en-islam
Compte rendu du livre :
 
Les animaux en Islam,
de Al-Hafiz B. A. Masri,
Préface de Malek Chebel,
Traduit de l’anglais par Sébastien Sarméjeanne,
Éditions Droits des animaux, 2015.

Lors de la campagne présidentielle de 2012, Marine Le Pen avait déclenché une polémique en déclarant que « l’ensemble de la viande qui est distribuée en Île-de-France, à l’insu du consommateur, est exclusivement de la viande halal ». Le Ministère de l’Agriculture avait démenti le « exclusivement », mais ne contesta pas que beaucoup de Parisiens consommaient sans le savoir de la viande provenant d’animaux n’ayant pas été étourdis avant d’être égorgés. Si les propos de la candidate Front National étaient exagérés, ils avaient le mérite d’apporter une information peu connue. Mais certains la soupçonnèrent de vouloir davantage vilipender les musulmans que défendre le bien être animal. Il est vrai que la question de la viande halal est délicate. Comment critiquer une pratique d’abattage particulièrement cruelle sans offenser ceux pour qui elle est une prescription religieuse ?

La réponse est dans ce livre. L’auteur, qui est une autorité en matière de théologie musulmane, présente une analyse détaillée de la place des animaux dans l’Islam. Sans surprise, il mentionne que le Prophète ne s’opposait pas à la consommation de viande. Mais sa lecture attentive du Coran et des Hadiths révèle que Mahomet ne concevait pas le sacrifice des animaux comme une offrande à Dieu : c’était avant tout un acte de charité où la viande devait être offerte aux nécessiteux avant de servir à son propre repas. Or, dans les circonstances d’aujourd’hui, par charité, un bon musulman gagnerait à lui substituer d’autres bonnes actions. Quant à l’exigence d’égorger les animaux encore valides, elle ne servait qu’à s’assurer de leur bonne santé. Du coup, avec les contrôles mis en place dans les abattoirs modernes, elle n’a plus de raison d’être. En somme, selon l’auteur, ni le sacrifice ni l’égorgement à vif ne s’imposent aujourd’hui aux pratiquants.

En montrant que le Prophète avait un grand souci du bien être des animaux, l’auteur en vient même à se demander si les musulmans ne devraient pas devenir végétariens, du moins dans nos sociétés d’abondance où la viande n’est plus une nécessité. Comme quoi, il se pourrait que, au final, Islam rime avec protection animale…

Thomas Lepeltier,
Sciences Humaines, 278, février 2016.


Pour acheter ce livre : Librairie L214


Autre livre à signaler :

— Sarra Tlili, Animals in the Qur’an, Cambridge University Press, 2015.