Publié dans   

 

Compte rendu du livre :

Images de Jeanne d'Arc.
Actes du Colloque de Rouen, 25-26-27 mai 1999,

de Jean Maurice et Daniel Couty (eds),

PUF (Études médiévales), 2000.

      Que dire de nouveau sur Jeanne d'Arc, tant le personnage a suscité de commentaires et d'études depuis cinq siècles ? Dès son irruption dans l'histoire, elle frappa l'imagination de ses contemporains et donna naissance à mille légendes. Mais pendant longtemps, elle n'apparut pas comme la magnifique héroïne nationale dont il nous reste encore quelques échos. C'est seulement au XIXe siècle, après les défaites napoléoniennes et surtout après la défaite de 1870, qu'elle devint une légende nationale ; à croire que les sentiments patriotiques naissent plus des revers que des victoires.
      En 1841, Michelet en fit un symbole du peuple, une sainte même, mais laïque ; ce à quoi l'Église répondit en la présentant comme un modèle de la vie chrétienne. Fut alors lancée une campagne en faveur de sa béatification et Jeanne d'Arc devint l'objet d'un véritable culte populaire, au point d'apparaître comme le personnage le plus important du catholicisme français au tournant du siècle : déclarée vénérable en 1894, bienheureuse en 1909, elle fut canonisée en 1920. Faisant écho aux tourmentes politique et idéologique de l'époque, toute une littérature s'opposait toutefois à cette « récupération » de Jeanne d'Arc en refusant d'admettre le caractère surnaturel de ses révélations et surtout en accusant l'Église de l'avoir brûlée. Mais la défaite de 1870 fit beaucoup pour que son image — comme celle de Vercingétorix d'ailleurs — soit invariablement associée à la défense de la patrie et, en dehors des libres penseurs qu'elle embarrassait, républicains modérés et catholiques libéraux purent se retrouver autour de son culte.
      Tour à tour déclarée sainte ou illuminée, fille de Dieu ou hallucinée, mystique ou névrosée plus ou moins manipulée, Jeanne d'Arc est bien le prototype du personnage historique aux figures multiples. On ne peut donc raisonnablement aborder de nouveau ce personnage sans s'interroger sur ces multiples images — aussi bien historiques que littéraires, ou encore artistiques — qui ont traversé les siècles. Ce recueil, issu d'un colloque, remplit bien cette fonction : abordant de nombreux aspects, couvrant diverses périodes allant du XVe au XXe siècles, et étant bien documentés, les articles qu'il contient donnent une bonne idée de la recherche historiographique sur le sujet.

Thomas Lepeltier, Sciences Humaines, 112, janvier 2001.

Pour acheter ce livre : Amazon.fr