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Compte rendu du livre :

Après Darwin.
La biologie, une science pas comme les autres,

d'Ernst Mayr,

Traduit de l'américain par Axelle Partaix et Nicolas Chevassus-au-Louis,
Préface de Michel Morange,
Dunod (Quai des sciences), 2006.

      Surnommé « le Darwin du XXe siècle », Ernst Mayr (1904-2005) aimait la philosophie, mais pas les philosophes. Dans ce livre — son dernier —, où il aborde un certain nombre de grandes questions philosophiques concernant la biologie, il reproche ainsi aux philosophes d'aborder cette discipline à l'aune des autres sciences de la nature (physique, chimie). Selon lui, il faut au contraire considérer la biologie comme étant unique parmi les sciences. Pourquoi ? Fondamentalement, parce que c'est une science étudiant un « objet » qui évolue, en l'occurrence le vivant. Spécificité qui la distingue des autres sciences sur plusieurs points, dont voici quelques exemples.
      Du fait de l'évolution du vivant, la biologie possède une dimension historique et se construit sur des récits. C'est également une science qui repose sur une double causalité : celle des lois naturelles (comme en physique ou chimie) et celle des programmes génétiques (reflétant des processus téléonomiques). La biologie est aussi une science qui ne repose pas sur des lois, puisque les régularités de l'évolution ont généralement de nombreuses exceptions. Du coup, le principe de réfutabilité de Karl Popper ne s'applique pas en biologie évolutive car les exceptions n'altèrent pas la validité générale de la plupart des régularités. C'est également une science où le réductionnisme ne marche pas puisque le fonctionnement d'un organisme ne se déduit pas de celui de ses ultimes parties. Enfin, c'est une science qui, comme l'objet qu'elle étudie, suit une évolution graduelle caractérisée par la variation des idées et leur sélection.
      Si Mayr reproche aux philosophes de ne pas être assez biologistes, on pourrait, réciproquement, lui reprocher de ne pas être assez philosophe tant certaines de ses analyses manquent parfois de nuance. Reste que, par la clarté et la richesse du propos, ce livre synthétique est une belle et importante contribution aux débats sur l'évolution du vivant et sur la nature de la biologie.

Thomas Lepeltier, Sciences Humaines, 175, octobre 2006.

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