Féminicène,
de Véra Nikolski,
Fayard, 2023.
Les mouvements féministes ont, de nos jours, tendance à considérer que l’émancipation des femmes vient de leurs combats contre le patriarcat. Mais ce n’est pas l’avis de l’essayiste Véra Nikolski, pour qui les femmes doivent surtout leur libération à l’enrichissement de la société et au progrès technique, notamment médical. Pour défendre ce changement de perspective, elle revient sur la longue histoire de la condition féminine et montre que c’est avant tout pour des raisons biologiques que les hommes ont pris l’ascendant. Non seulement les femmes sont en moyenne moins fortes physiquement, mais elles sont aussi contraintes par la maternité et l’allaitement. Pendant une grande partie de l’histoire de l’humanité, quand la force physique était fondamentale (pour chasser, travailler ou se battre), les hommes ont ainsi pu asseoir leur domination.
Or, à partir de la révolution industrielle, la force physique perd de son importance et, surtout, la mortalité infantile diminue fortement, de sorte que les femmes sont de moins en moins astreintes au rôle de reproductrices. Les développements technologiques soulagent également les femmes des tâches domestiques. Dès lors, elles peuvent jouer à égalité avec les hommes. Ce serait donc moins le combat des suffragettes que Moulinex qui les aurait libérées. Mais l’histoire ne s’arrête pas là.
L’auteure craint en effet que la crise environnementale, la raréfaction des ressources et le retour de la mortalité infantile qui en découlera (en raison notamment de la résistance croissante aux antibiotiques) ramènent les femmes à leur assujettissement. Pour l’éviter, elle prône un féminisme du faire où, plutôt que de rester dans le registre de la revendication, les femmes s’investissent professionnellement dans les activités qui permettront – autant que faire se peut – de maintenir les conditions matérielles ayant permis leur émancipation. En somme, elle préconise plus de femmes ingénieures que de militantes, plus de généticiennes que de sorcières…
Thomas Lepeltier,
Sciences Humaines,
361, août-septembre 2023.
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