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Compte rendu du livre :

L'Historisme en débat.
De Nietzsche à Kantorowicz,

d'Otto Gerhard Oexle,

Traduit de l'allemand par Isabelle Kalinowski,
Aubier (Collection historique), 2001.

      À la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle, un profond débat eut lieu en Allemagne à propos d'un des paradoxes fondamentaux de la recherche historique. D'un côté, s'affichait la prétention des historiens à décrire le passé tel qu'il avait été. D'un autre côté, se développait l'idée que notre savoir et notre façon de penser sont fondamentalement historiques, c'est-à-dire évoluent avec le temps. Or une vision du passé qui se transforme au cours de l'histoire peut difficilement prétendre refléter fidèlement un passé figé dans le temps. D'où le débat.
      Pour Otto Gerhard Oexle qui en présente ici les moments marquants, c'est avec Friedrich Nietzsche, en 1874, que ce débat commença vraiment. Dénigrant la prétention de la recherche historique à l'objectivité, Nietzsche considérait que l'histoire devait se mettre au service de la vie, autrement dit, il estimait que les discours historiques, conçus comme de véritables œuvres d'art, devaient avoir pour fin de stimuler l'action. Cette position relativiste rencontra bien sûr maintes objections plus ou moins sophistiquées. Une des plus célèbres est certainement celle de Max Weber qui, tout en reconnaissant le caractère relatif de notre savoir, n'abandonnait pas pour autant l'idéal d'autonomie de la recherche historique. La « résolution » weberienne du paradoxe reposait sur le caractère potentiellement réflexif de la connaissance : cette dernière, disait-il en substance, était certes limitée de par notre situation historique, mais en prenant conscience de ses propres limites et de la manière dont elle « construisait » ses objets d'étude, la connaissance pouvait très bien n'avoir d'autre fin qu'elle-même.
      La position de Weber fut loin de convaincre tout le monde, notamment les membres du cercle du poète Stefan George qui reprenaient à leur compte les analyses de Nietzsche. Et la brillante biographie de l'Empereur Frédéric II (1194-1250), publiée en 1927 par Ernst Kantorowicz, tout au service de l'exaltation des grands hommes, est sans doute l'œuvre la plus marquante de ce mouvement qui joua un rôle non négligeable dans l'évolution politique de l'Allemagne de l'époque.
      Le rappel de cette dimension politique contribue à faire de ce livre une utile introduction à ce riche débat allemand sur l'historisme, malgré ses quelques répétitions.

Thomas Lepeltier, Sciences Humaines, 132, novembre 2002.

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