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Compte rendu du livre :

De Darwin aux dinosaures.
Essai sur l'idée d'évolution,

de Kevin Padian,

Préface d'Armand de Ricqlès,
Éditions Odile Jacob (Collège de France), 2004.

      Comment classer les formes vivantes ? Problème délicat. Le point de départ de la nomenclature zoologique moderne commence au XVIIIe siècle avec le suédois Linné qui regroupa les espèces en catégories immuables s'emboîtant les unes dans les autres suivant leur plus ou moins grande ressemblance : les espèces dans les genres, les genres dans les ordres, etc. Les éléphants, les hippopotames et les rhinocéros, de part l'épaisseur de leur peau, appartenaient ainsi à la même catégorie : l'ordre des pachydermes.
      Mais ce système de classification fixiste fut mis à mal par la théorie de l'évolution de Darwin. Pour ce dernier, seule la connaissance de la phylogénie, c'est-à-dire l'histoire du développement des espèces, permettrait d'établir une véritable classification. De fait, suivant la théorie de l'évolution, les hippopotames sont plus proches des cerfs que des rhinocéros, qui eux-mêmes ont plus d'affinité avec les chevaux qu'avec les éléphants. La peau épaisse des pachydermes n'étant héritée de nul ancêtre commun, cet ordre n'a ainsi aucune signification phylogénétique. Mais établir des classifications généalogiques n'est pas toujours aisé tant les informations fossiles manquent. Aussi Darwin dut-il accepter, faute de mieux, de se baser également sur des ressemblances générales. Ce n'est d'ailleurs pas avant les années 1950 que la méthode phylogénétique, dite cladistique, fut véritablement appliquée. Actuellement de plus en plus utilisée, elle continue toutefois à susciter des débats tant son application est délicate.
      Spécialiste des reptiles fossiles, Kevin Padian entend en tout cas montrer dans ce livre toute la pertinence de la cladistique pour l'étude des dinosaures. Mais avant cela, il situe la problématique de la classification sur un plan historique en analysant notamment la position précise de Darwin sur ce sujet, ainsi que celle de son grand rival, l'inventeur du concept de dinosaures, Richard Owen. Ce n'est qu'une fois clarifié ces points que Padian essaye de montrer que les dinosaures doivent plutôt être comparés à des oiseaux, dont ils sont les ancêtres, qu'à des crocodiles, comme pourraient le suggérer certaines ressemblances.

Thomas Lepeltier, Sciences Humaines, 153, octobre 2004.

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