Publié dans   

 

Compte rendu du livre :

Physique moderne et philosophie,

de Wolfgang Pauli,

Traduit de l'allemand par Claude Maillard,
Albin Michel (Science d'aujourd'hui), 1999.

      Il faut toujours se réjouir de voir publiées — et quand c'est nécessaire traduites en français — les réflexions des très grands hommes de science : ce sont des documents historiques qui nous aident à mieux comprendre leurs interprétations des avancées scientifiques. Ce recueil d'articles, de conférences et d'allocutions d'origines diverses de Wolfgang Pauli (1900-1958), prix Nobel de physique en 1945, est d'autant plus intéressant que l'auteur s'intéressait de près à la philosophie et à la psychanalyse de Jung, avec qui d'ailleurs il correspondit pendant longtemps (voir chez le même éditeur W. Pauli/C. G. Jung. Correspondance 1932-1958).
      Pauli fut l'un des fondateurs de cette mécanique quantique qui a véritablement révolutionné notre vision du monde et son nom reste attaché à un « principe d'exclusion » qu'il formula en 1925, selon lequel deux électrons d'un même atome ne peuvent être dans le même état quantique. À cette découverte importante, il faut ajouter sa prédiction en 1930 de l'existence d'une particule presque insaisissable — le neutrino — qui ne sera vérifiée que vingt-cinq ans plus tard. Autant d'avancées significatives qui sont ici commentées au côté des contributions de quelques autres grands acteurs de la révolution quantique (Bohr, Einstein...).
      Mais au-delà de ces analyses techniques, Pauli s'interroge sur la portée philosophique de cette révolution. S'accommodant plus que ne le faisait Einstein de l'édifice théorique de la mécanique quantique, il en vient à penser que la notion d'objectivité ne doit plus traduire un accès à la réalité telle qu'elle est en elle-même, ou encore, qu'un processus physique n'est pas nécessairement réductible à des lois déterministes. En somme, il considère que la réalité n'est pas complètement rationnelle et que dans une observation la localisation de la césure entre le sujet et l'objet est en partie arbitraire. Cette dernière problématique évoque à ses yeux le rapport entre la conscience et l'inconscient, considéré ici comme impersonnel ; d'où son intérêt pour le travail de Jung.
      Si certains points peuvent bien sûr être discutés — on regrettera d'ailleurs que les aspects philosophiques soient traités un peu trop rapidement, notamment la notion d'inconscient —, au moins on peut désormais le faire à partir de textes disponibles en français.

Thomas Lepeltier, Sciences Humaines, 108, août-sept. 2000.

Pour acheter ce livre : Amazon.fr