Réanimer la nature,
de Val Plumwood,
Puf, 2020.
En 1985, alors qu’elle avait 45 ans, Val Plumwood est happée par un crocodile qui l’entraîne au fond d’une rivière. De justesse, cette écoféministe australienne échappe toutefois à la mort. Mais, pour celle qui va devenir une des figures importantes de la pensée environnementaliste, avoir été la proie d’un animal sauvage renforce sa conviction que l’humanité ne doit plus se considérer comme coupée de la nature, ni au dessus : elle doit au contraire apprendre à trouver sa place au sein de l’ordre naturel et, notamment, prendre conscience de sa vulnérabilité. Il serait même urgent de le faire si elle veut survivre à l’actuelle crise environnementale. Dans ce petit livre posthume, Plumwood expose ainsi son idée que, après des siècles de pensée dualiste où l’humanité était appréhendée comme distincte de la nature, il est temps de « réanimer la nature », c’est-à-dire d’arrêter de la réifier et, à la place, de commencer à la voir comme un être animé d’une sorte d’intention avec lequel nous pourrions entrer en dialogue.
En tant que telle, cette idée est caractéristique des tentatives de la pensée environnementale de dépasser l’anthropocentrisme qui limite toute considération morale à la sphère humaine. La question est de savoir comment justifier ce dépassement. À l’instar des autres environnementalistes, Plumwood estime que l’approche des animalistes, qui consiste à étendre la communauté morale aux seuls animaux, est trop restrictive. Selon elle, il faut aller au-delà et prendre en considération les forêts, les fleuves, les montagnes et, d’une manière générale, la Terre. Mais sur quelle base peut-on le faire ? C’est là que Plumwood réhabilite la pensée animiste attribuant à la matière une sorte d’esprit ou d’intention. Elle nous invite ainsi à réanimer le monde pour que l’on devienne « les membres d’une communauté écologique » où, par exemple, nous pourrions « entendre les sons [de la nature] comme des voix ». Pas de doute que l’idée est jolie. Mais permet-elle de fonder une approche rationnelle de la nature ?
Thomas Lepeltier (septembre 2020).
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