Né en 1682 en Angleterre, de petite taille (1,20 m), bossu, venant d’un milieu modeste, sans éducation, Benjamin Lay est une grande figure méconnue de la lutte pour l’abolition de l’esclavage. Exerçant différents métiers, dont celui de marin, séjournant à la Barbade quelques années, finissant ses jours dans une grotte aux environs de Philadelphie, il manifesta toujours un sens aigu de la justice. Par exemple, il était végétarien pour ne pas faire de mal aux animaux et ne se déplaçait qu’à pied car il condamnait l’exploitation des chevaux. Mais c’est surtout contre l’esclavage qu’il mobilisa son énergie. Dans ce combat, il n’hésitait pas à critiquer ouvertement ses défenseurs. Il interrompait ainsi les offices religieux, haranguait ses coreligionnaires et organisait des happenings pour manifester son indignation à leur encontre. Il lui arriva même d’asperger de faux sang des propriétaires d’esclaves pour leur signifier que le courroux divin s’abattrait sur eux. C’est que Benjamin Lay n’était prêt à aucun compromis. Il réclamait une abolition immédiate et sans conditions.
Inutile de dire qu’il dérangeait terriblement et fut rejeté par beaucoup de ses contemporains. Il était tout simplement insupportable. En même temps, il pouvait fasciner. Son intransigeance, son abnégation, ses manières simples et son exigence de justice lui valurent des admirateurs. Aujourd’hui, il est également difficile de ne pas éprouver de la sympathie à son égard. Il est vrai que, maintenant, nous savons qu’il avait raison et que l’histoire était, comme on dit, de son côté. Ce qui n’est pas sans jeter un trouble sur la façon dont, nous aussi, jugeons les agitateurs politiques. Combien de fois, même quand la cause qu’ils défendent nous semble juste, ne les trouvons-nous pas excessifs ? On peut dès lors se demander si, en les méprisant, nous ne commettons pas la même erreur que ceux qui refusèrent d’écouter Benjamin Lay. Ce dernier aurait ainsi, par-delà les siècles, encore le pouvoir d’ébranler les consciences. Rien que pour cette raison, il mérite cette belle biographie.
Thomas Lepeltier,
Sciences
Humaines, 322, février 2020.
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