Compte rendu du livre :
La République raciale.
Paradigme racial et idéologie républicaine (1860-1930),de Carole Reynaud Paligot,
Puf, 2006.Une vision hiérarchisée et inégalitaire du genre humain n'a pas toujours été le propre des seuls penseurs réactionnaires. De fait, des années 1860 aux années 1920, voire au-delà, une idéologie raciale a imprégné les milieux républicains français. Nourris de l'idée d'une marche des civilisations vers le progrès, où chacune se situe le long d'une échelle hiérarchique, et confortés par les théories évolutionnistes de Lamarck puis de Darwin, les partisans de la République ont en effet construit une vision dépréciative de l'altérité où celui qui vivait sous d'autres latitudes, autrement dit le « sauvage », faisait figure de « primitif ». Cette conception hiérarchisée des races humaines a même eu l'ambition de devenir une véritable science : groupés autour de la Société et de l'École d'anthropologie de Paris, des scientifiques, fermes partisans de la République, mesuraient sous tous les angles l'anatomie des « primitifs », et y trouvaient ce qu'ils y cherchaient, à savoir les signes de leur infériorité et de leur proximité avec l'ancêtre simiesque de l'Homme.
Comme le montre Carole Reynaud Paligot dans ce livre, loin d'être un simple égarement de salon, cette idéologie raciale servit à justifier l'entreprise coloniale, notamment en légitimant la domination et l'exploitation des peuples colonisés. Si les savants et les coloniaux au service de la République se perdaient en conjectures sur le degré de perfectibilité du « primitif » (et sur les bienfaits ou dangers éventuels du métissage), presque tous avançaient que ce dernier n'était capable de progresser sur la voie de la civilisation qu'à condition d'être éduqué par la race supérieure. Les principes universalistes proclamant l'égalité du genre humain n'avaient tout simplement pas résisté au contact de « l'Autre ». Cette idéologie raciale n'a pas disparu du jour au lendemain. Carole Reynaud Paligot constate néanmoins sa lente désagrégation à partir des années 1920. Reste à savoir si elle n'imprègne pas encore, de façon imperceptible, certaines attitudes de la République.Thomas Lepeltier, Sciences Humaines, 173, juillet 2006.
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