Compte rendu du livre :

Inventer la préhistoire.
Les débuts de l'archéologie préhistorique en France,

de Nathalie Richard,

Vuibert & Adapt-Snes Éditions, 2008.

      Quand la préhistoire fut-elle inventée ? Est-ce dans les années 1830, quand l'amateur d'archéologie Jacques Boucher de Perthes soutient, découvertes à l'appui, la thèse d'une haute antiquité de l'homme ? Ou en 1859, quand cette antiquité de l'homme est enfin discutée sérieusement au sein des grandes institutions savantes ? Ou encore, au milieu des années 1860, quand elle est finalement acceptée par la grande majorité des savants ? C'est selon, suivant que vous privilégiez une histoire des idées et découvertes, une histoire des institutions ou une histoire des opinions savantes. Mais, dans ce livre très instructif, Nathalie Richard montre pourquoi il vaut mieux appréhender la naissance de l'archéologie préhistorique en France comme un phénomène complexe, qui s'étale sur plusieurs décennies et qui relève autant de l'histoire intellectuelle et sociale que culturelle.
      Dans cette histoire, Boucher de Perthes joue bien sûr un rôle fondamental. Pourtant, il n'y a rien de vraiment nouveau entre ce qu'il avance   dans les années 1830 et ce qui se dit en 1859. Qu'est-ce qui déclenche alors la conversion des savants à sa thèse de la haute antiquité de l'homme ? Une des raisons est le patriotisme. Face à de récentes découvertes anglaises témoignant elles aussi d'une antiquité de l'homme, les savants français ne veulent pas prendre de retard sur la science anglaise et trouvent orgueil à souligner l'antériorité des découvertes françaises. Pour la même raison, en 1863, ils s'empressent de reconnaître l'authenticité d'une mâchoire humaine, exhumée à Moulin-Quignon dans une couche géologique contenant des ossements d'espèces disparues. Ironie du sort, c'était un faux. Mais ce faux fut suffisant pour convaincre les savants, là où des découvertes mieux établies ne l'avaient pas fait. Qui pourra encore nier l'importance des facteurs sociaux et politiques en histoire des sciences ? C'est justement cette complexité de la mise en place de l'archéologie préhistorique en France et son développement dans la seconde moitié du XIXe siècle que Nathalie Richard relate dans ce livre très accessible. Bref, un ouvrage bien utile.

Thomas Lepeltier, 2009.

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