Compte rendu du livre :
L'Empire des gènes.
Histoire de la sociobiologie,de Jacques G. Ruelland,
ENS Éditions (La croisée des chemins), 2004.Ce livre n'est pas une histoire de la sociobiologie comme l'indique son sous-titre ; c'est une attaque en règle contre cette discipline. Inventée en 1975 par un professeur de zoologie de Harvard, Edward O. Wilson, la sociobiologie recherche les fondements biologiques de toutes les formes de sociétés animales et humaines. En d'autres termes, elle traque les déterminismes biologiques des comportements sociaux. Depuis sa création, elle n'a cessé de susciter des polémiques. Souvent soupçonnée de véhiculer un discours raciste, sexiste et élitiste, elle fut davantage perçue par nombre de commentateurs comme une entreprise réactionnaire que comme une nouvelle discipline scientifique. En particulier, elle fut accusée de justifier les inégalités sociales en prétendant montrer qu'elles avaient une origine biologique.
Toute la question est de savoir ce qu'il faut retenir de la sociobiologie au-delà de ces travers idéologiques. Sur ce point, Jacques Ruelland est sans équivoque. Distinguant la sociobiologie animale de la sociobiologie humaine, il affirme que si la « première a des prétentions légitimes à la scientificité, […] la seconde ne peut en affirmer ». Il reproche par exemple aux partisans de cette dernière de s'appuyer sur un concept de gène très simpliste dans leur recherche de déterminismes génétiques. De même, il souligne l'insuffisance de données empiriques permettant d'expliquer le comportement humain à partir de celui de l'animal. Et il dénonce la visée hégémonique de la sociobiologie sur l'ensemble des sciences sociales. Toutes ces critiques ont le mérite de mettre en avant le caractère précipité, et parfois tendancieux, des prétendues explications scientifiques proposées par les sociobiologistes quant aux comportements humains.
Cela veut-il dire que la sociobiologie est fondamentalement une entreprise idéologique ? Est-ce forcément être réactionnaire que de vouloir chercher dans la biologie certaines explications de nos comportements ? C'est ce que tend à affirmer Ruelland. C'est là qu'on ne le suivra pas, de peur de tomber dans une autre forme d'idéologie.Thomas Lepeltier, Sciences Humaines, 157, février 2005.
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