Publié dans   

 

Compte rendu du livre :

Pluralismes scientifiques.
Enjeux épistémiques et métaphysiques,

de Stéphanie Ruphy,

Éditions Hermann, 2013.
Ruphy-Pluralismes-scientifiques

       La science est-elle une ou plurielle ? Cette question sur l’unité ou la pluralité des sciences peut paraître abstraite. Elle est pourtant très politique. Par exemple, dans les années 1990, l’autonomie de la physique de la matière condensée vis-à-vis de la physique des particules a été débattue jusque dans les couloirs du Congrès américain : les discussions concernaient les financements respectifs de ce que certains voyaient comme deux disciplines distincts, alors que pour d’autres la première n’était qu’une branche de la seconde. Cela dit, au-delà de ces enjeux pratiques, cette question de l’unité des sciences touche à d’épineux problèmes épistémologiques, comme le montre dans ce livre la philosophe des sciences Stéphanie Ruphy.
      Incontestablement, c’est une question difficile, d’autant plus qu’elle se décline selon une pluralité de formes. (1) Elle peut concerner la nature même de la réalité. Ainsi, on peut se demander si le monde est constitué de différentes sortes de choses, irréductibles les unes aux autres. (2) Elle peut aussi porter sur nos outils de connaissance. Ainsi, on peut se demander si nos théories peuvent toutes se ramener à une structure unique ; ou si, au contraire, nos connaissances théoriques ne formeraient pas une sorte de patchwork dont les pièces demeureraient autonomes les unes par rapport aux autres. (3) Cette question de l’unité des sciences se pose également à propos de l’existence de plusieurs modèles explicatifs d’un même phénomène, incompatibles entre eux : faut-il y voir l’illustration d’un pluralisme indépassable ou doit-on attendre une convergence de ces modèles ? (4) Enfin, s’interroger sur l’unité des sciences peut être une façon de se demander s’il existe une seule manière de classer les « entités naturelles », comme les espèces vivantes, les galaxies, etc., ou s’il faut considérer que la pluralité actuelle des taxinomies est indépassable.
      L’existence de cette pluralité de questions sur l’unité des sciences montre qu’il n’y aurait pas de sens à se déclarer moniste ou pluraliste tout court. On peut l’être de différentes façons. On pourrait même être pluraliste sur certains aspects et moniste sur d’autres. En tout cas, passant en revue les différentes approches de cette problématique de l’unité des sciences, l’auteure défend, quant à elle, plusieurs conceptions pluralistes et, par la rigueur de ses analyses, nous offre un livre de référence sur le sujet.

Thomas Lepeltier, Pour la science, 435, janvier 2014.

Pour acheter ce livre : Amazon.fr