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Compte rendu du livre :

L’éther des physiciens existe-t-il ?
Écrits sur l’éther, du « Sensorium Dei » de Newton
à l’éther d’Einstein et à celui de Dirac
,

de Jean-Jacques Samueli,

Éditions Ellipses, 2011.
Ether des physiciens

      Le concept d'éther a longtemps été présent en physique avant, selon la vulgate, d'être abandonné au début du XXe siècle. Pour Isaac Newton, il représentait « une espèce d'esprit très subtil » qui permettait d'expliquer la gravitation et la propagation de la lumière. Il pouvait même être plus ou moins identifié à l'espace absolu, quand il n'était pas ce qui transmettait à Dieu la totalité des informations concernant l'univers ! Repris, modifié, précisé, ce concept d'éther fut ensuite utilisé par la plupart des physiciens qui l'estimaient également indispensable pour expliquer nombre de phénomènes, en particulier ceux associés à la propagation de la lumière. Puis vient Albert Einstein. En 1905, ce dernier déclare que « l'introduction d'un ‘éther lumineux' devient superflue par le fait que [la relativité restreinte] ne fait aucun usage d'un ‘espace absolu au repos' doué de propriétés particulières ». L'affaire semble réglée. Voici l'éther relégué au rang des concepts obsolètes de la physique, comme l'avait été le phlogistique de la chimie par Lavoisier.
      Cette histoire est toutefois trop simple, comme le souligne Jean-Jacques Samueli, qui présente dans cet ouvrage tout un ensemble de textes historiques abordant cette question de l'éther, de l'Antiquité au milieu du XXe siècle. De fait, loin d'être le fossoyeur de l'éther, Einstein est aussi celui qui écrit en 1920 : « d'après la théorie de la relativité générale, l'espace est doué de propriétés physiques ; dans ce sens, […] un éther existe » ; plus loin, Einstein précise « un espace sans éther est inconcevable ».
      Alors, l'éther existe-t-il, oui ou non ? Pour Samueli, la réponse ne fait aucun doute : oui. C'est que, si le nom « éther » n'est plus d'usage chez les physiciens, le concept reste présent, indispensable même. Par exemple, en théorie quantique des champs, le vide, doté de propriétés spécifiques, constitue toujours le support de divers interactions et, par conséquent, peut être qualifié d'éther. Ces propriétés pourraient également servir à expliquer certains phénomènes qui semblent contredire le principe de localité en mécanique quantique. Etc.
      Bref, en tant que concept servant à décrire les propriétés de l'espace ou du vide, l'éther n'a pas disparu de la physique. Vu sa richesse, il attend encore son historien. Pour l'instant, le lecteur intéressé pourra se tourner utilement vers ce recueil de textes qui lui sont consacrés.

Thomas Lepeltier, Pour la science, 412, février 2012.

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