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Compte rendu du livre :

Human Enhancement,

de Julian Savulescu et Nick Bostrom (eds),

Oxford University Press, 2009.

       L'être humain est perfectible. Pourquoi ne pas l'améliorer ? On peut le faire par une bonne dose d'exercice et d'hygiène. Mais pourquoi ne pas aussi utiliser les biotechnologies pour accroître de façon héréditaire nos capacités mentales et physiques ? Cette perspective est bien sûr tributaire des développements techniques mais elle soulève déjà des questions philosophiques, politiques et éthiques. Pour faire simple, il y a les « pro », les « anti », et les indécis : les premiers considèrent que l'on doit être libre de se transformer, même radicalement ; les deuxièmes rejettent toute modification substantielle de notre être biologique ; les troisièmes, enfin, ne savent pas à quel saint se vouer. L'intérêt de Human Enhancement, que l'on pourrait traduire par « l'amélioration de l'humain », est de réunir d'éminents contributeurs de ces débats, non pas pour chercher à convaincre ses lecteurs du bien fondé de telle ou telle position, mais afin d'offrir une grande palette d'arguments sur le sujet.
       Malgré son éclectisme, deux idées fortes se dégagent de cet ouvrage. D'abord, il apparaît que, pris en bloc, tous les questionnements sur les techniques de transformation de l'humain n'ont pas de sens. Il faut les traiter au cas par cas. De fait, qui y a-t-il de commun entre sélectionner génétiquement les caractéristiques de sa progéniture et implanter des éléments électroniques dans le cerveau des humains ? Ensuite, il s'avère que les frontières entre les façons traditionnelles d'améliorer les capacités humaines et les nouvelles méthodes qui font actuellement débat ne sont pas toujours très nettes. Pour les « pro », elles sont même inexistantes, au sens où selon eux toute technologie peut être vue comme une façon d'améliorer les capacités humaines (le port d'une chaussure n'est-il pas un moyen d'améliorer nos moyens de locomotion ?). Pourquoi donc se priver des bénéfices offerts par les nouvelles technologies ? Les « anti » ne sont bien sûr pas d'accord. Mais ils ne sont pas non plus toujours d'accord entre eux sur ce qui distinguerait un type d'amélioration néfaste d'un type d'amélioration bénéfique.
       Les « anti » mettent souvent en garde contre les dangers qu'il y aurait à transformer la nature humaine Cet argument peut-être formulé au nom d'une morale de l'authenticité ou en référence à une conception théologique qui interdirait de « jouer à Dieu ». Mais la notion de nature humaine est difficile à cerner. Paradoxalement, si l'on voulait vraiment interdire toute altération de l'espèce humaine, il faudrait faire la promotion du clonage comme seule méthode de reproduction. Ce que bien sûr refusent les « anti ».
       Sur un plan politique, on peut craindre que, dans certaines circonstances, une sélection génétique n'accroisse les inégalités sociales. Si une population d'humains voyait ses capacités cognitives décuplées, elle pourrait s'attribuer un statut juridique différent. Comment cette nouvelle humanité traiterait-elle le reste de la population ? Comme des enfants, des handicapés mentaux ou des animaux ? Même les partisans de ces techniques d'amélioration de l'humain auraient donc intérêt à réfléchir aux manières de les réglementer. Bref, les débats sont loin d'être simples. Tout le mérite de cet ouvrage est justement d'aider à mieux les poser.

Thomas Lepeltier, Sciences Humaines, 215, mai 2010.

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