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Compte rendu du livre :

Quand faire, c'est croire.
Les rites sacrificiels des Romains,

de John Scheid,

Aubier (Collection historique), 2005.

      Quand décrire, c'est expliquer. Ou inversement, quand expliquer consiste à décrire. Telle est la problématique à laquelle est confrontée toute étude de la religion romaine. Alors que dans la religion grecque, mythologie et religion se confondent souvent, les Romains n'ont ni mythologie ni théologie, du moins au début de leur histoire. Leur religion paraît surtout faite de pratiques, au point que « croire » pour un Romain — si le mot à encore un sens ici — c'est uniquement respecter les rites. Aussi pendant longtemps a-t-on considéré la religion de Rome uniquement comme un ramassis de rites formalistes et froids. Ces préjugés négatifs n'ont plus cours. Mais il est toujours aussi difficile d'expliquer ce qu'il y a derrière les rites sacrificiels des Romains. Que faire de plus que les décrire, quand pour les Romains il n'y a pas vraiment d'au-delà du rituel, au sens où celui-ci ne se construit sur aucun mystère, aucune théologie ? Autrement dit, que faire d'autre que décrire quand les actes religieux ne s'élaborent pas à partir d'un ensemble de croyances ?
      C'est le défi que John Scheid, Professeur au Collège de France, a relevé dans ce livre érudit où il essaye tout simplement de dévoiler la religiosité des Romains derrière leur respect scrupuleux des rites. Nulle surprise que l'analyse passe par de longues et minutieuses descriptions. Mais il en ressort que les rites sacrificiels, qui se concluent presque systématiquement par un banquet, sont l'occasion pour les Romains de rappeler les hiérarchies existant entre les hommes et les dieux, et également entre les hommes. Dans ces cultes sans sermon ni dogme, qui vont de la libation d'encens et de vin à l'immolation de victimes animales, et qui se terminent en banquet basé sur un partage alimentaire où les organes sanglants reviennent aux dieux, tous les gestes traduisent d'abord la préséance des divinités sur les humains puis, dans un second temps, celle de certains hommes sur d'autres hommes. Ces rites sacrificiels servent ainsi à maintenir l'ordre du monde et de la société. Ce qui souligne leur pouvoir dans une religion sans foi.

Thomas Lepeltier, Sciences Humaines, 161, juin 2001.

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