L’univers livresque
de Thomas Lepeltier
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Compte rendu du livre :
 
L’univers infini dans le monde des Lumières,
de Jean Seidengart,
Les Belles Lettres, 2020.

L’univers est-il infini ? Selon le célèbre ouvrage d’Alexandre Koyré, Du monde clos à l’univers infini (1957), la naissance de la science classique marque le passage de l’univers clos des Anciens, encore dominant durant la période médiévale, à l’univers infini des Modernes. Pourtant, comme l’analyse en détail le philosophe Jean Seidengart dans ce livre, cette perspective gagne à être nuancée. Incontestablement, au xviie siècle, la question de l’infinité du monde est à l’ordre du jour. Par exemple, même si René Descartes n’ose pas affirmer que l’univers est infini puisque cette caractéristique est encore réservée à Dieu, il se sent toutefois obligé de le considérer comme indéfini. Ce n’est plus le cas d’Isaac Newton qui n’hésite pas à concevoir l’espace comme infini. Le savant anglais y voit même une manifestation de l’immensité de Dieu, partout présent dans l’univers. À la même époque, Samuel Clarke affirmera d’ailleurs que l’infinité de l’univers implique l’existence d’un Dieu infini.

Pourtant, face à ce développement de la thèse infinitiste, George Berkeley rejette la réalité de l’infini puisque, selon lui, tout ce qui ne peut être perçu est une chimère. David Hume prend également ses distances avec cette thèse en raison du caractère limité de toute connaissance. Il soutient même que plus l’univers est grand, moins on peut le connaître. Certes, Emmanuel Kant tente de réhabiliter l’infinité de l’univers, mais il revient finalement sur cette démarche en avançant que l’univers pris comme un tout ne peut être un objet de connaissance. Quant à Pierre Simon de Laplace, qui vient parfaire l’œuvre de Newton, il s’abstient de trancher la question. En somme, la thèse de l’infinité de l’univers, clairement défendue au xviie siècle, ne va plus de soi au xviiie siècle. Elle est non seulement l’objet de critiques philosophiques, mais elle devient aussi gênante pour des savants qui préfèrent travailler sur du mesurable. Même si, de nos jours, ces objections n’ont plus cours, cette fascinante question de l’infinité de l’univers reste quand même ouverte. Raison de plus pour se replonger dans ces débats des Lumières.

Thomas Lepeltier,
Sciences Humaines, 330, novembre 2020.


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