Assimiler des humains à des animaux est très souvent une façon de les rabaisser, voire de justifer leur exploitation ou de s’autoriser à les exterminer. On peut ainsi traiter les femmes de poules ou de guenons pour les inférioriser par rapport aux hommes. On peut aussi dire d’un peuple qu’il est de la vermine pour mieux le détruire. Les victimes de ces assimilations demandent donc à ne plus être traitées comme des animaux ou comme du bétail. Mais, implicitement, autant ce mépris par assimilation à des animaux que le désir de se distinguer de ces derniers traduisent l’idée qu’il est moralement légitime de les exploiter. Or trouver normal de maltraiter un animal sous prétexte qu’il appartient à une autre espèce que la nôtre pourrait relever d’une discrimination arbitraire. C’est du moins ce qu’avancent les antispécistes, qui rejettent toute forme d’exploitation des animaux. Adoptant cette perspective, la politologue Réjane Sénac nous invite donc, dans ce petit essai, à inclure les animaux dans la sphère morale et politique.
Cette revendication de justice pour les animaux serait d’autant plus souhaitable qu’elle bénéficierait également aux humains victimes de discriminations. En effet, tant qu’il apparaît normal de maltraiter un animal juste parce qu’il appartient à une autre espèce que la nôtre, nos sociétés ne verront pas de problème à maltraiter des humains qui auront été assimilés à des animaux. Pour cette raison, l’auteure regrette que les mouvements d’émancipation, comme le féminisme ou l’antiracisme, n’épousent pas la cause animale. On ne combat pas une injustice en en renforçant une autre. Mais autant son appel à faire converger ces luttes semble justifié, autant son désir d’y associer l’anticapitalisme et l’écologie est moins compréhensible. De fait, ces mouvements participent d’une autre logique et ne sont pas toujours porteurs de justice. L’histoire du communisme est là pour nous le rappeler. Sa demande de prise en compte sur un plan politique de l’intérêt des animaux n’en est pas moins bienvenue.
Thomas Lepeltier,
Sciences Humaines,
371, septembre 2024.
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