L’univers livresque
de Thomas Lepeltier
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Compte rendu du livre :
 
Clean Meat.
How Growing Meat Without Animals
Will Revolutionize Dinner and the World
,
de Paul Shapiro
Préface de Yuval Noah Harari,
Gallery Books, 2018.

Une révolution se prépare ! Demain, la viande ne proviendra plus directement des animaux. Elle sera cultivée dans de grands récipients à partir de quelques cellules de muscles. Dès lors, plus besoin de tuer des milliards d’animaux chaque année pour agrémenter nos repas. C’est du moins la thèse de Paul Shapiro, vice-président de la « Humane Society », une grande organisation de protection animale. Dans ce livre, préfacé par Yuval Noah Harari, il raconte en effet comment ce procédé biotechnologique est en train de se développer et pourquoi, selon lui, il a toutes les chances d’entraîner la fermeture des abattoirs. L’histoire commence au début des années 2000. Ses premiers promoteurs n’étaient pas tous des défenseurs des animaux. Ils étaient simplement consternés à la fois par l’inefficacité de l’élevage (la quantité de calories que l’on retire d’un animal est très faible par rapport à celle qu’on lui fournit pour croître), par les dégâts environnementaux qu’il génère et par son incapacité prochaine à fournir de la viande à une population mondiale qui croît et qui en consomme de plus en plus. La solution la plus simple serait bien sûr d’arrêter d’en manger ou, du moins, d’en diminuer drastiquement sa consommation. Mais, malgré la montée en puissance du véganisme, la population reste globalement très attachée à son steak. Il faut donc trouver une autre voie.

Le premier burger, produit à partir de quelques cellules de vache, a ainsi été créé en 2013. Sa dégustation par des gastronomes a même donné lieu à tout un foin médiatique. Le verdict était globalement positif. Seul problème, le coût de ce burger était d’environ 300 000 dollars. Mais, pour ses promoteurs, c’était un « détail » en passe d’être résolu. D’ailleurs, en 2018, un tel burger ne coûte déjà plus qu’une dizaine de dollars. Il n’y aura bientôt plus qu’à le produire en grande quantité et à obtenir les autorisations des autorités compétentes pour qu’il se retrouve dans nos assiettes. Pour Shapiro, le succès de la « viande propre » ne saurait donc tarder. Bien sûr, des opposants l’accuseront de ne pas être « naturelle ». Toutefois, à partir d’exemples d’autres développements technologiques, Shapiro montre que ce genre d’opposition ne dure pas longtemps. Comment résister à de la viande high-tech qui, tout en ayant le même goût que l’ancienne, est plus saine (puisqu’on maîtrise exactement ce qu’elle contient), plus rentable à produire, plus éthique et moins destructrice de l’environnement ? Il y aura peut-être quelques irréductibles qui voudront quand même continuer à manger des animaux. Mais, si Shapiro a raison, leur désir finira par apparaître comme particulièrement cruel…

Thomas Lepeltier,
La Recherche, 534, avril 2018.


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