L’univers livresque
de Thomas Lepeltier
shapiro-life-as-we-made-it
Compte rendu du livre :
 
Life as We Made It.
How 50,000 years of human innovation
refined – and redefined – nature
,
de Beth Shapiro,
Oneworld, 2021.

L’idée de transformer la nature rebute beaucoup de gens. Pourtant, comme le rappelle la paléobiologiste Beth Shapiro, l’humanité n’a jamais cessé de la modifier, depuis au moins 50 000 ans. Sans parler des loups qui ont été transformés en chihuahuas, un très grand nombre d’espèces animales et végétales ont été modifiées, au point de ne plus ressembler, pour beaucoup, à ce qu’elles étaient avant ces interventions humaines. Par exemple, en termes de goût et d’aspect, il n’y a plus grand-chose à voir entre les carottes ou les bananes sauvages et celles que nous consommons de nos jours. Pendant longtemps, ces transformations se sont faites par sélection artificielle. Le procédé était long et hasardeux. Par manipulation directe du génome des organismes vivants, il est désormais mieux contrôlé et plus efficace. Pourtant, ce procédé fait peur à plein de gens. Shapiro reconnaît qu’il faut être prudent avec ces biotechnologies. Mais elle souligne qu’elles peuvent contribuer à apporter des solutions à nombre de problèmes humains et environnementaux. Elles peuvent ainsi permettre de sauver des espèces vouées à l’extinction, de rendre l’agriculture plus efficace, de résoudre des problèmes de pollution, de guérir les maladies qui nous affligent, nous et d’autres espèces, de rendre les animaux plus adaptés à leur milieu de vie, etc.

Dans ces conditions, améliorer les conditions de vie sur cette planète ne consiste pas, selon Shapiro, à préserver la nature telle qu’elle est, mais au contraire à la façonner intelligemment avec nos technologies les plus avancées. À ceux qui rétorquent qu’il faut au contraire permettre aux espèces d’évoluer selon leurs propres dynamiques, elle répond que c’est de toute façon trop tard : l’activité humaine est trop imbriquée avec le reste du vivant pour qu’il nous soit possible de nous en désolidariser. Dès lors, rejeter les biotechnologies par peur d’intervenir dans la nature n’aurait plus trop de sens. La question qui se pose ne serait même plus de savoir s’il faut modifier la nature, mais jusqu’où faut-il la modifier. À notre époque où les appels à préserver la nature sont nombreux, ce genre de position ne manquera pas de faire réagir. Mais le débat mérite d’être lancé.

Thomas Lepeltier,
Sciences Humaines, 349, juillet 2022.


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