L’univers livresque
de Thomas Lepeltier
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Compte rendu du livre :
 
One World Now.
The Ethics of Globalization,
de Peter Singer,
Yale University Press, 2016.

Notre monde est de plus en plus interconnecté. La rapidité des déplacements, la disparition progressive des frontières commerciales, l’accélération des mouvements de capitaux, la révolution des techniques de communication (Internet et téléphones portables) et l’émergence de menaces globales (en particulier, celle du réchauffement climatique) sont autant de facteurs qui contribuent à nous faire comprendre que nous sommes tous les citoyens du même monde, interdépendants et co-responsables de son bon fonctionnement. La mondialisation, qu’on s’en réjouisse ou non, est en marche ! Il serait donc regrettable de continuer à penser la politique dans le cadre étroit de l’État-nation. Mais comment aborder les notions de justice et d’équité à l’échelle mondiale ? C’est ce qu’avait essayé de faire, dès 2002, le philosophe Peter Singer dans son livre One World. Quatorze ans plus tard, le voilà qui reprend son analyse, l’actualise et prend en compte les critiques. Ce travail le conduit à publier un nouveau livre, One World Now.

Singer est célèbre pour ses travaux sur l’éthique animale et la bioéthique. En tant qu’utilitariste, il estime que nous devons chercher à maximiser le bien-être de tous les êtres sensibles vivant sur Terre. Cette position l’a notamment conduit à promouvoir le végétalisme. Mais, ici, il applique les règles de l’utilitarisme aux questions de politique environnementale, d’échanges commerciaux, de justice internationale et de gouvernance mondiale. Par exemple, quelle est la manière la plus équitable, se demande-t-il, d’imposer des contraintes sur les émissions de gaz à effet de serre de façon à minimiser les dégâts causés par le réchauffement climatique ? Partant du principe que le bien-être de chaque personne compte également, Singer propose que tout le monde se voie attribuer le même quota d’émission. Mais, pour que cette mesure ne déstabilise pas trop certaines économies, il suggère que les pays riches qui voudraient plus que leur part aient la possibilité d’acheter à des pays pauvres la part que ces derniers n’utiliseraient pas. Concernant l’économie, Singer concentre son analyse sur l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) à qui il reproche principalement de ne pas assez prendre en compte les modalités de production des marchandises. Aussi Singer propose-t-il de conditionner les accords de libre-échange à des engagements à respecter des standards de protection environnemental, de sécurité et de droit des travailleurs, ou encore de bien-être animal. Tout pays pourrait ainsi légalement interdire l’importation de biens pour des raisons éthiques. En matière de gouvernance, Singer estime que l’ONU devrait reconnaître dans sa Charte le droit d’intervention dans un pays tiers en cas de risque grave pour la population. Enfin, pour donner un dernier exemple, il estime que les grandes organisations internationales comme l’OMC et l’ONU devraient privilégier les démocraties, qui sont, à ses yeux, les régimes politiques les plus à même de tenir compte du bien-être de leurs citoyens.

Il serait bien sûr possible de discuter ces propositions de Singer. D’abord, est-il certain que l’utilitarisme y conduise ? Ensuite, peut-on vraiment faire confiance à l’utilitarisme pour définir l’organisation d’un monde meilleur ? Mais il ne faudrait pas pour autant se priver d’un livre qui, avec clarté, tente de dérouler une argumentation rigoureuse à partir de quelques principes simples afin de proposer des solutions concrètes à des problèmes qui nous concernent tous…

Thomas Lepeltier,
Sciences Humaines, 289, février 2017.


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Autres livres à signaler :

— Peter Singer, Ethics in the Real World. 82 Brief Essays on Things That Matter, Princeton University Press, 2016.

— Hugo Slim, Humanitarian Ethics. A Guide to the Morality of Aid in War and Disaster, Oxford University Press, 2015.