How the World Really Works.
A Scientist’s Guide to Our Past, Present and Future,
de Vaclav Smil,
Viking, 2022.
Comment fonctionnent nos sociétés modernes, en matière d’exploitation des ressources naturelles, de productions agricoles ou de transport de marchandises ? Autrement dit, sur quoi repose notre quotidien d’un point de vue matériel ? Telle est la question qu’examine en détail ce livre. Son auteur est un des meilleurs spécialistes mondiaux des questions énergétiques. Il dresse donc un tableau très fourni de l’évolution de la situation mondiale à ce sujet. La lecture est roborative, surtout à notre époque où nous sommes de plus en plus confrontés à une opposition entre des discours catastrophistes (qui disent qu’il ne reste que quelques décennies avant la fin de la civilisation moderne) et des discours techno-optimistes (qui prédisent que l’innovation technologique permettra à nos sociétés de se développer pendant encore longtemps). Or l’auteur ne fait sienne aucune de ces prédictions. La raison est simple : selon lui, le chemin qui sera le nôtre est trop compliqué à déterminer et l’avenir reste ouvert.
Toutefois, s’attachant à être aussi près des données factuelles que possible, il se montre incrédule devant le projet de se passer des énergies fossiles d’ici 2050, comme beaucoup d’États s’y engagent. Chiffres à l’appui, secteur économique par secteur économique, il avance ses pièces à conviction pour nous convaincre que nos sociétés industrialisées en sont trop dépendantes pour réussir cette transition ; le coût humain serait trop élevé. Mais il n’épargne pas non plus le pessimisme qui, tablant sur cette impossibilité de se passer des énergies fossiles, présente des scénarios climatiques extrêmes comme un avenir certain. Cet entre-deux ne le conduit pas pour autant à baisser les bras. Il estime au contraire qu’il y a plein d’actions à entreprendre pour améliorer la situation, « mais pas en prétendant suivre des objectifs irréalistes et arbitraires […] tombant sur des années se terminant par zéro ou cinq ». Loin des grands discours optimistes ou catastrophistes, il préfère les propositions de changements graduels, sur le plan technique et comportemental. C’est peut-être cela la sagesse de l’ingénieur.
Thomas Lepeltier,
Sciences Humaines,
352, novembre 2022.
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