Invention and Innovation.
A Brief History of Hype and Failure,
de Vaclav Smil,
The MIT Press, 2023.
Dans les débats sur les problèmes environnementaux, les personnes qui évoquent l’intérêt qu’il y aurait à développer de nouvelles technologies se font souvent traiter de « techno-solutionnistes ». Si, en toute rigueur, le mot ne devrait désigner que celles qui pensent que l’on pourra résoudre tous les problèmes par la technologie, il est donc aussi utilisé pour dénigrer même celles qui se contentent de dire que cette dernière peut jouer un rôle pour en résoudre certains. Cet usage pour le moins discutable s’explique par le fait que beaucoup de nos contemporains pensent que la technologie est davantage le problème que la solution vis-à-vis de la situation environnementale. Il suffit donc d’y faire référence pour se faire traiter de techno-solutionniste. Dans ce contexte, le livre de Vaclav Smil sur les espoirs et les désillusions de la technologie est particulièrement éclairant.
Son propos est d’étudier certaines technologies qui n’ont pas tenu leurs promesses malgré d’énormes investissements. Il commence ainsi par analyser trois inventions qui ont d’abord été bien accueillies, mais qui ont ensuite été rejetées en raison de leurs effets délétères : l’essence au plomb, l’insecticide DDT et les chlorofluorocarbones ou CFC. Ensuite, il étudie des inventions qui étaient censées changer le monde, mais qui n’ont jamais réussi à avoir un impact significatif : les dirigeables, la fission nucléaire et les voyages supersoniques. Enfin, il aborde des inventions qui s’annoncent prometteuses, mais qui traînent à se concrétiser : la fusion nucléaire, les voyages à grande vitesse dans des tubes sous vide et les céréales capables de fixer l’azote de l’atmosphère.
À travers ces analyses, Smil nous invite à ne pas nous emballer trop rapidement pour de nouvelles technologies. D’abord, parce que celles qui transforment le plus nos vies mettent du temps à se diffuser. Ensuite, parce qu’elles ne sont pas forcément celles qui frappent l’imagination. Pour autant, il n’en conclut pas qu’il faut arrêter de miser sur le développement technologique. Pour lui, il ne fait pas de doute que nous ne trouverons jamais un avenir meilleur sans inventions et innovations. Entre techno-phobie et techno-solutionnisme, il plaide donc pour le techno-réalisme.
Thomas Lepeltier,
Sciences Humaines,
366, mars 2024.
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