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Compte rendu du livre :

La Fin du sacrifice.
Les mutations religieuses de l'Antiquité tardive,

de Guy G. Stroumsa,

Préface de John Scheid,
Éditions Odile Jacob (Collège de France), 2005.

      Dire que le passage du paganisme au christianisme correspond à une victoire du monothéisme sur le polythéisme n'explique pas grand chose. D'abord, parce que dans les religions de l'Antiquité, le pouvoir divin, au-delà de ses diverses manifestations, est souvent conçu comme un tout. Ensuite, parce que dans le christianisme, le divin se manifeste également sous différentes formes. Pour les historiens, ce passage du paganisme au christianisme doit plutôt se comprendre comme l'expression de mutations d'ordre anthropologique. Guy Stroumsa, dans quatre conférences données au Collège de France et réunies ici en un volume, distingue ainsi quatre mutations qui ont accompagné l'emprise croissante du christianisme sur l'Empire romain.
      D'abord, l'Antiquité tardive est témoin d'une transformation psychologique des individus qui se mettent à s'intéresser davantage à ce qui se passe après la mort. Ensuite, le concept de religion fondée sur un texte ou un corpus de textes prend de l'importance. On voit également se former des communautés religieuses sur la base d'une foi commune, remplaçant ainsi la religion civique qui s'imposait à toute une cité sans qu'il y ait besoin d'une adhésion des citoyens. Enfin, les sacrifices sanglants tendent à disparaître au profit d'autres formes de rituels religieux.
      Toute l'audace de ces conférences est de rattacher ces mutations à l'évolution du judaïsme. De fait, suite à la destruction du temple de Jérusalem par les légions romaines en 70 après J.-C., le judaïsme dut expérimenter tous les aspects de cette nouvelle religiosité qui émergeait dans l'Antiquité tardive : la disparition du temple mit fin aux sacrifices qui y étaient pratiqués, elle transforma les Juifs en une communauté religieuse réunie autour de ses textes sacrés et suscita un nouveau souci de soi. Ces mutations « forcées » du monde juif auraient donné au christianisme, qui en était issu, la force nécessaire pour conquérir le monde romain.

Thomas Lepeltier, Sciences Humaines, 168, février 2006.

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