L’univers livresque
de Thomas Lepeltier
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Compte rendu du livre :
 
Ecomodernism.
Technology, Politics and The Climate Crisis,
de Jonathan Symons,
Polity Press, 2019.

Le réchauffement climatique menace notre société. Mais que faire ? Pour limiter les émissions de gaz à effet de serre, beaucoup pensent qu’il faudrait entrer dans une phase de décroissance économique, abandonner les énergies non renouvelables, limiter les transports, réduire l’activité industrielle, etc. L’idée générale derrière cette approche, que l’on peut qualifier d’écologiste, est que seul un effort de sobriété énergétique permettra à notre société de ne pas s’effondrer sous l’effet de l’augmentation des températures. Mais, dans ce livre, le politologue Jonathan Symons récuse cette idée. S’appuyant sur les travaux de ceux qui se désignent comme des écomodernistes, il estime au contraire que c’est en développant des technologies décarbonées (à l’instar des centrales nucléaires) et en intensifiant, par souci d’efficacité, les moyens de production que le climat pourra être stabilisé. Puis, de manière générale, pour minimiser l’impact de l’humanité sur la planète, plutôt que d’inviter la population à valoriser les modes de vie traditionnels et à vivre en étant plus proche de la nature, il l’encourage au contraire à résider en milieu urbain (pour libérer des espaces naturels), à recourir à une agriculture intensive s’appuyant sur les biotechnologies (pour augmenter les rendements) et à mettre en œuvre de grands programmes de géo-ingénierie (pour refroidir la planète).

On pourrait juger naïf de croire que ces technologies, dont la plupart sont encore à inventer, pourront régler une menace chaque jour plus pressante. Mais l’auteur retourne l’accusation. D’abord, il estime illusoire de penser que l’on peut convaincre la majorité des habitants de la planète de ne pas chercher à atteindre le niveau de vie des pays riches. Il soutient même qu’il serait injuste de vouloir les en dissuader. Ensuite, il explique pourquoi les énergies renouvelables, dans leur état actuel, ne seront pas capables de répondre aux besoins énergétiques d’une population mondiale qui aspire à vivre dans de relativement bonnes conditions matérielles. Enfin, il montre comment l’innovation technologique peut tendre à limiter de façon croissante les émissions de gaz à effet de serre. Dès lors, à ses yeux, en présence d’une légitime exigence d’égalité et de la demande croissante d’énergie qui en découle, un développement économique reposant sur de nouvelles technologies décarbonées devient la seule possibilité réaliste de lutter contre le réchauffement climatique.

Mais pas question d’attendre que ce développement émane simplement de l’initiative privée et soit soumis aux lois du marché. Symons avance que seuls les États ont les moyens d’orchestrer cette transformation sociale et technologique de la société. S’il réfute ainsi l’idée que la solution au réchauffement climatique passe par une remise en cause des principes de notre économie, il ne prône pas pour autant le laisser-faire. En outre, fort de l’idée que les problèmes environnementaux ne seront résolus que si les conditions matérielles de vie de la population humaine sur Terre ne sont pas trop disparates, il estime que les États ne doivent pas se refermer sur eux-mêmes, mais au contraire s’engager dans la mondialisation. Avec l’écomodernisme, nous sommes donc définitivement loin de la pensée écologique dominante, davantage tournée vers des solutions locales, méfiante avec les grands programmes technologiques et militant pour un retour à un mode de vie plus proche de la nature. Reste à savoir qui a raison…

Thomas Lepeltier,
Sciences Humaines, 318, octobre 2019.


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