L’univers livresque
de Thomas Lepeltier
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Compte rendu du livre :
 
Being Good in a World of Need,
de Larry S. Temkin,
Oxford University Press, 2022.

Si nous passons devant un étang et que nous voyons un enfant en train de s’y noyer, tout le monde conviendra que nous devons nous jeter à l’eau pour le secourir. Nous salirons nos vêtements, mais ce sera un prix à payer insignifiant comparé à la mort de l’enfant. Dans la mesure où une modique somme permet de soigner un enfant habitant dans un pays pauvre ou de lui éviter de mourir de faim, en 1972, le philosophe Peter Singer utilisa cette expérience de pensée pour défendre la thèse que les habitants des pays riches ont le devoir moral d’aider les miséreux de ce monde en reversant une petite partie de leurs revenus à des organisations humanitaires. Si on est prêt à sacrifier son costume pour sauver un enfant de la noyade, comment pourrait-on refuser de verser régulièrement un peu d’argent dont on sait qu’il peut sauver des vies ? La comparaison frappa les esprits et est souvent reprise depuis lors pour justifier la charité internationale. Cependant, pour le philosophe Larry Temkin, cette analogie est loin d’avoir la force qu’on lui attribue souvent.

D’abord, Temkin fait remarquer que laisser l’enfant se noyer est une attitude plus problématique que de ne pas verser une somme d’argent qui pourrait permettre de sauver un, deux ou trois enfants à l’autre bout de monde. Bien agir ne signifierait donc pas nécessairement faire le maximum de bien. Ensuite, il fait remarquer que la première action a l’avantage d’être une aide directe, alors que la seconde passe pas des intermédiaires qui peuvent en détourner la finalité. N’oublions pas que pauvreté et corruption font bon ménage. Il est donc compréhensible d’avoir plus d’hésitation pour la seconde action. Temkin fait même remarquer, exemples à l’appui, que l’aide au développement peut avoir des effets pervers, notamment en entretenant les assistés dans leur dépendance, en déstructurant des économies ou en renforçant des structures socio-économiques ou politiques qui sont responsables de la misère. On ferait ainsi le mal en voulant faire le bien. Ces critiques ne signifient pas pour autant, selon Temkin, qu’il faille renoncer à aider les pauvres de ce monde. Mais il ne faut plus le faire en se basant sur des analogies simplistes.

Thomas Lepeltier,
Sciences Humaines, 362, août 2023.


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