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Compte rendu du livre :

La Science nouvelle.
Principes d'une science nouvelle
relative à la nature commune des nations
,

de Giambattista Vico,

Traduit de l'italien et présenté par Alain Pons,
Fayard (L'esprit de la cité), 2001.

      « Avant lui, le premier mot n'était pas dit : après lui, la science était, sinon faite, au moins fondée ; le principe était donné, les grandes applications indiquées. » Ainsi s'exprimait l'historien Jules Michelet au début du XIXe siècle au sujet du Napolitain Giambattista Vico (1668-1744). Ce dernier était pourtant peu connu. Mais Michelet, son premier traducteur vers le français, venait de trouver en lui le génial précurseur de sa démarche d'historien. Vico avait en effet défendu la thèse, qui s'opposait à la philosophie cartésienne et à celle des Lumières en général, que l'on atteint une plus grande intelligibilité dans la science de l'histoire que dans celles de la nature, puisque la première porte sur un monde que les hommes ont eux-mêmes créé. En appliquant ainsi à la connaissance historique l'idée que l'on ne comprend vraiment que ce que l'on fait soi-même, Vico montrait que la logique de l'histoire était à chercher dans l'histoire elle-même et dans notre capacité à la revivre, plutôt que dans une raison détachée de son propre passé.
      La démarche était foncièrement novatrice. D'abord, Vico rompait avec l'idée que la connaissance historique n'offrait qu'un recueil d'exemples et d'images édifiantes, à suivre ou à éviter. En identifiant au contraire l'histoire à un processus, où les événements n'advenaient plus seulement dans le temps, mais à travers lui, il attribuait désormais à la recherche historique la tâche de déterminer les lois du développement de la civilisation. En cela, il figure comme un des précurseurs des grandes philosophies de l'histoire du XIXe siècle. Mais en considérant aussi qu'on ne peut déterminer ces lois du développement de la civilisation sans remonter aux origines, il renouvelait le regard sur l'histoire ancienne et faisait des fables, des mythes et des langues une des principales sources d'intelligibilité de l'aventure humaine.
      Qu'il faille ou non, comme nous invitait à le faire le philosophe Benedetto Croce, voir ainsi en Vico le germe de toutes les philosophies idéalistes du XIXe siècle, force est de reconnaître que cette nouvelle traduction de son œuvre maîtresse est bienvenue. Les chercheurs l'attendaient depuis longtemps et les curieux pourront découvrir un livre, certes difficile, touffu, daté, mais important quant à la question de savoir s'il est possible ou non de fonder une science des phénomènes humains.

Thomas Lepeltier, Sciences Humaines, 120, octobre 2001.

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