L’univers livresque
de Thomas Lepeltier
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Compte rendu du livre :
 
The Mosquito,
A Human History of Our Deadliest Predator,
de Timothy C. Winegard,
Text Publishing, 2019.

De nos jours, il est de bon ton de parler de la disparition des insectes comme d’une catastrophe. Pourtant, parmi ces animaux, les moustiques ont un lourd passif. Il ne faudrait pas croire que leur nuisance se limite à perturber nos soirées d’été par des piqures irritantes, mais inoffensives. Selon Timothy Winegard, professeur d’histoire à la Colorado Mesa University, aux États-Unis, ces insectes ont provoqué des hécatombes d’oiseaux, de mammifères et de reptiles partout où ils ont pu s’implanter. Bien que les humains en tant qu’espèce aient résisté jusqu’ici à leurs assauts, ce n’est pas sans subir de très lourdes pertes ! À l’échelle de l’histoire de l’humanité, ce serait la moitié des humains ayant existé qui auraient ainsi succombé aux multiples virus, bactéries et parasites qu’ils transmettent. À notre époque, malgré tous les efforts faits pour les éradiquer, ils provoqueraient encore près de 2 millions de morts par an, sans parler du nombre bien plus grand de personnes qui sont malades à cause d’eux (malaria, dengue, zika, fièvre jaune, etc.).

Pourtant, malgré les fléaux qu’ils causent, les moustiques n’ont pas l’honneur des livres d’histoire. On leur préfère d’autres acteurs (rois, reines, aventuriers, etc.) ou d’autres facteurs (économiques, sociaux, etc.). C’est une erreur qu’entend corriger Winegard en montrant que leur rôle a été déterminant tout au long de l’histoire. Par exemple, la Rome antique aurait eu plus de mal à atteindre sa puissance si elle n’avait pas été protégée par les Marais pontins, avec ses nuées de moustiques qui décimaient les envahisseurs. Les marchands européens d’esclaves ne seraient peut-être pas allés chercher certaines populations africaines sans leur immunité contre les maladies transmises par les moustiques qui sévissaient dans le Nouveau Monde. Lors de la Guerre du Vietnam, l’armée du Viet-Cong l’aurait probablement emporté plus rapidement si elle n’avait pas été souvent rendue inopérante par la malaria. Et ainsi de suite. Dans tous les moments historiques que Winegard revisite, il apparaît ainsi que notre cohabitation sur Terre avec les moustiques s’est payée au prix fort.

On pourrait penser que le pire est derrière nous. Pas sûr. Winegard fait remarquer que la plupart des traitements contre les maladies transmises par les moustiques deviennent de moins en moins efficaces car ces deniers, avec les parasites et bactéries qu’ils transmettent, savent s’adapter. Aujourd’hui, les seuls traitements qui semblent fonctionner sont à la fois coûteux et demandent des améliorations constantes. Rien ne dit que la bataille contre les moustiques sera un jour gagnée. D’où la tentation de les éradiquer par manipulation génétique. Reste à savoir s’il faut passer à l’acte ou continuer à pleurer sans discernement la disparition des insectes…

Thomas Lepeltier,
La Recherche, 554, décembre 2019.


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