L’univers livresque
de Thomas Lepeltier
sanders-deconstructing-cosmology
Compte rendu du livre :
 
Deconstructing Cosmology,
de Robert H. Sanders,
Cambridge University Press, 2016.

Cinquante ans après que le modèle du big bang s’est imposé, la cosmologie moderne est devenu un bel édifice. L’accroissement continu de la sensibilité des télescopes et de la puissance de calcul des ordinateurs a en effet permis aux spécialistes de s’accorder sur un scénario assez précis de l’histoire de l’univers. Aussi parle-t-on de nos jours d’une « cosmologie de précision ». Mais ce succès n’est pas sans cacher quelques problèmes délicats. Pour que théorie et observation s’accordent, il faut recourir à une hypothétique phase inflationnaire au tout début de l’expansion de l’univers ainsi qu’à une abondante matière et énergie noires dont la nature reste énigmatique. Pour Robert Sanders, professeur émérite d’astronomie à l’Université de Groningue (Pays-Bas), la présence de ces éléments spéculatifs dans le modèle du big bang montre qu’il « est prématuré de prétendre avec un air de triomphalisme que nous comprenons l’univers ». Les futurs progrès dans la connaissance du cosmos ne seront peut-être pas uniquement une affaire de détails.

Pour Sanders, déconstruire la cosmologie, comme le titre de son livre s’en fait l’écho, ne veut pas dire mettre à bas ce bel édifice. De fait, à ses yeux, beaucoup d’éléments du modèle actuellement dominant apparaissent solides. L’univers serait bien né il y a 13.8 milliards d’années et serait actuellement dans une phase d’expansion accélérée. La déconstruction qu’il entreprend ici s’apparente plutôt à celle d’un mécanicien qui démonterait un moteur pour comprendre l’origine d’un problème. Sanders commence ainsi par passer en revue les points forts du scénario actuel de l’évolution de l’univers. En tant que chercheur versé dans l’histoire de sa discipline, il s’attache à montrer comment ils ont été conçus (il a d’ailleurs déjà publié un ouvrage plus historique où il raconte l’histoire des recherches sur la matière noire : À la recherche de la matière noire. Histoire d’une découverte fondamentale, De Boeck, 2012 [2010]). Ensuite, et c’est certainement le plus intéressant, il analyse les raisons ayant conduit à postuler l’existence d’une matière et d’une énergie noires ainsi que les problèmes que posent ces entités hypothétiques. À ce sujet, Sanders ne cache pas son intérêt pour une nouvelle théorie de la gravitation (la théorie Mond) qui permet presque de se passer de l’hypothèse de matière noire. Dans un propos très équilibré, il souligne toutefois les limites de cette théorie concurrente. Au final, voici un livre tout aussi concis que précis qui critique « le sentiment répandu qu’il n’y a plus de place pour le doute » en ce qui concerne le modèle standard de l’univers.

Thomas Lepeltier,
La Recherche, 519, janvier 2017.


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