L’univers livresque
de Thomas Lepeltier
visak-garner-ethics-of-killing-animals
Compte rendu du livre :
 
The Ethics of Killing Animals,
de Tatjana Visak & Robert Garner (eds),
Oxford University Press, 2016.

On ne peut plus frapper un chien comme on tape dans une pierre. De nos jours, il est en effet acquis que beaucoup d’animaux ont une valeur morale. En général, c’est la capacité à souffrir qui fait la différence. Dans les laboratoires, dans les élevages ou dans les zoos, il est ainsi stipulé que les animaux doivent souffrir le moins possible. C’est loin d’être toujours le cas, tant leurs conditions de vie y sont très souvent déplorables. Mais, en théorie, tout le monde est d’accord : il faut minimiser la souffrance des animaux. Il existe même des lois contre la maltraitance à leur égard. En revanche, leur mise à mort est rarement vue comme problématique. En prétextant qu’ils ne souffrent pas trop, on peut tuer une grande quantité d’animaux dans les laboratoires, dans les abattoirs, dans la nature, etc. Ces « tueries » sont tout à fait acceptées socialement.

Pourtant, la légitimité de ces mises à mort ne va pas de soi. Si on ne peut pas tuer des êtres humains, même de façon indolore, pourquoi aurait-on le droit d’occire des animaux qui, comme les premiers, tiennent à leur vie ? C’est la question qui est au cœur de cet ouvrage collectif, réunissant des experts en éthique. De ce tour d’horizon, aucun consensus ne se dégage. Pour certains philosophes, les animaux ont le droit de vivre, comme les êtres humains. En les mettant à mort, nous allons à l’encontre de leurs intérêts et nous les privons de futures satisfactions. Sauf cas de légitime défense, il n’est donc pas justifié de les tuer. Pour d’autres philosophes, la situation est moins tranchée. Une des raisons pour laquelle il est problématique de tuer un être humain est que cela l’empêche de réaliser ses projets. Or, selon ces philosophes, les animaux ayant un sens du futur limité par rapport aux êtres humains, il serait moralement moins grave de tuer les premiers que les seconds. Pour d’autres philosophes encore, une action ne pose pas de problème moral si elle n’entraîne pas de diminution de la quantité de plaisir sur Terre. Ils en déduisent que l’on peut tuer des animaux qui « vivent dans le présent » si on les remplace par d’autres. Mais, pour être cohérent, ils soutiennent également qu’il est légitime, à la même condition, de tuer des humains aux capacités cognitives limitées. Ce qui peut soulever des objections.

Ces quelques exemples de réflexion éthique soulignent la difficulté qu’il y a à légitimer la mise à mort des animaux. D’autant plus que, d’un point de vue pratique, il est très difficile de les tuer en masse de façon indolore. D’où le grand mérite de cet ouvrage de bien faire le tour d’une question épineuse relative à une pratique très courante dans notre société.

Thomas Lepeltier,
La Recherche, 510, avril 2016.


Pour acheter ce livre : Amazon.fr


Autre livre à signaler :

— Torbjörn Tännsjö, Taking Life. Three Theories on the Ethics of Killing, Oxford University Press, 2015.